France

« Saccage 2024 » : 300.000 candidats pour devenir bénévoles aux JO de Paris… mais combien d’infiltrés ?

La campagne de recrutement de bénévoles pour les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) vient de toucher à sa fin. 300.000 personnes se sont inscrites, vient d’annoncer le comité d’organisation ce jeudi. Mais sur ce nombre, combien sont de « faux bénévoles », qui tentent de faire capoter les Jeux ? Et quelles sont leurs motivations ?

Car les anti-JOP, menés par le collectif Saccage 2024 et d’autres groupes d’écologie, ont monté une campagne de sabotage. Elle vise à inciter toute personne qui aurait une dent contre l’événement à candidater, puis au choix, à « ne pas s’y rendre », « faire grève en demandant d’être rémunéré », faire la « grève de zèle », « s’exprimer, et montrer le vrai visage des JOP » ou encore récolter des preuves pour aller aux prud’hommes, comme le propose une tribune de Basta Media, titrée « Pas de bénévoles pour les JOP 2024 : tutoriel pour gâcher leur campagne de travail dissimulé », et signée de ces mêmes collectifs.

« Du travail dissimulé »

La première chose que les anti-JOP reprochent à la compétition, c’est de chercher à employer 45.000 bénévoles pas rémunérés, tout en promettant des retombées économiques qui selon eux sont illusoires. « Je trouve cela indécent qu’un méga événement aussi lucratif se donne la possibilité de fonctionner avec autant de bénévoles, alors qu’il y a une organisation très profitable derrière. C’est comme si une grande entreprise utilisait plein de bénévoles. Pour moi c’est du travail dissimulé », argumente Nora*, 25 ans, étudiante, qui s’est inscrite à la fin du mois d’avril sur la plateforme de bénévoles des JOP, qu’elle compte bien hacker. « Ils arrivent dans le 93, un des départements les plus pauvres de France. Ils ne vont faire aucune retombée économique, les emplois créés sont des emplois précaires », complète Yun*, également dans le collectif Saccage 2024.

Plusieurs personnalités ont apporté leur soutien à ces infiltrés, parmi lesquelles Gérard Filoche, syndicaliste et homme politique, et surtout ancien inspecteur du travail, pour lequel les fiches de poste des bénévoles des JOP ont tout du contrat de travail. « Ils travaillent 10 heures par jour et 48 heures par semaine, doivent suivre des ordres, ont une formation préalable… C’est un contrat de travail ! » s’emporte le syndicaliste, pour lequel « n’importe quel spécialiste de droit du travail » affirmerait qu’il s’agit là de travail dissimulé. « Ce qui caractérise un contrat de travail c’est la subordination. Les bénévoles sont dépendants de chefs de service, donc il y a une subordination, donc c’est un contrat de travail. Ils appellent cela charte de bénévolat, mais c’est du pipeau, le contrat est requalifiable. On les pigeonne », avance Gérard Filoche, qui trouve cela « honteux » alors que selon les calculs des anti-JOP, salarier au Smic les bénévoles représenterait seulement 1 % du budget des JOP. « On a promis beaucoup de belles choses aux gamins du 93 et au final on ne leur offre qu’un repas et du bénévolat » abonde la conseillère régionale écologiste Annie Lahmer.

« Si quelqu’un veut travailler, la solution existe »

Contacté par 20 Minutes, Alexandre Morenon-Condé, directeur délégué en charge du programme des volontaires, réfute ces arguments « La charte du volontariat olympique et paralympique c’est un document inscrit dans la loi de 2018. Enormément de ministères se sont impliqués pour définir l’ensemble des missions. On a consulté le comité d’éthique 2024, on a voulu définir des missions qui ne nous exposent pas à un risque de requalification, et on a voulu limiter le nombre d’heures alors que normalement, il n’y a pas de limite d’heures au bénévolat. » Pour le responsable, si les missions de bénévolat durent 48 heures, c’est parce que « les bénévoles ne veulent pas en manquer une miette ».

L’organisation n’aurait-elle pas pu, dans ce cas, prévoir par exemple un volant d’heures de bénévolat et d’heures de spectacle gratuit par semaine, pour remercier ces gens qu’on ne rémunère pas ? « Quand on est volontaire c’est qu’on a envie d’être dans les coulisses de l’évènement. On n’a pas étudié d’autres modèles », nous répond sèchement le responsable, qui estime que « le bénévolat, c’est inscrit dans l’ADN des sports français ». Et ajoute : « On a plus d’un millier d’emplois à pourvoir, avec énormément d’emplois sur la sécurité privée, si quelqu’un veut travailler, la solution existe. »

Pollution et destruction d’arbres

Les anti-JOP ont d’autres motivations pour faire capoter les Jeux. Ils estiment que ces derniers seront un « désastre écologique », à l’instar d’Anna*, 18 ans, étudiante et membre de Youth for Climate Île-de-France, qui a candidaté « avec l’idée de faire dysfonctionner les choses » et pointe la destruction des jardins ouvriers d’Aubervilliers, pour y construire une piscine olympique. Arthur* cite aussi la construction du village des médias, qui a entraîné, selon l’argumentaire très détaillé de Saccage 2024, l’abattage d’arbres et la destruction « d’​​une partie du parc Georges Valbon », avec un « déficit de 14 hectares ». La construction de l’échangeur autoroutier du quartier Pleyel devrait aussi amener plus de pollution aux 700 enfants du groupe scolaire Pleyel – Anatole France. « C’est un saccage écologique », estime Yun*, qui pointe aussi les milliers de mascottes, fabriquées à 80 % en Chine.

Les anti-JOP ont bien d’autres raisons encore d’être en colère contre les JOP. Arthur* pointe le fait que les jeux modernes ont été créés par un admirateur de Hitler et que le slogan des Jeux, « Plus vite – Plus haut – Plus fort », est « un slogan parfait pour le capitalisme ». Anna pointe la « gentrification des quartiers populaires » autour du site des JO, où le prix au mètre carré augmente, et Yun la « militarisation de l’espace », puisque le paquet a été mis sur la sécurité.

Un millier de faux bénévoles ?

Combien seront ces infiltrés ? Selon Nora*, environ 1.000 personnes gravitant dans le réseau Saccage 2024 se seraient inscrites ; Anna* estime qu’une « quinzaine de personnes » de Youth for Climate ont franchi le pas.

Mais pas sûr que cela suffise pour vraiment saboter les plans du Cojo (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques). Avec 300.000 inscrits, les JOP auront une très large liste d’attente de gens prêts à s’enrôler. « On prévoit d’avoir des volontaires mobilisables en cas de désistement d’autres volontaires », explique Alexandre Morenon-Condé. D’autant que, comme toute personne de l’organisation des JO, les bénévoles feront l’objet d’une enquête administrative, selon le directeur délégué, enquête qui pourrait filtrer pas mal d’infiltrés… « On n’est pas du tout inquiets », affirme le responsable du programme des volontaires.

Les anti-JOP ne baissent pas les bras pour autant. Pour Arthur*, ce tutoriel pour gâcher les JO a déjà atteint l’un de ses principaux objectifs : « Faire parler de l’anti-olympisme ».