France

Roland Castro, l’architecte de gauche qui voulait « remodeler » les cités, est décédé

Fervent militant de gauche, figure des contestations de Mai 68 mais surtout architecte, Roland Castro est décédé jeudi à l’âge de 82 ans. Il consacra l’entièreté de sa vie à vouloir « remodeler » les cités des grandes villes, quartiers populaires envahis de grands ensembles bétonnés qu’il détestait, pour retrouver « le plaisir d’habiter ». Cofondateur du collectif « Banlieues 89 », cet homme de petite taille, aux yeux verts rieurs, connu pour ses coups de gueule, s’est fait connaître en associant sa vision de l’habitat à un combat politique. Il estimait que des bâtiments étaient « réussis lorsqu’ils renvoient à l’habitant une bonne image de lui-même »

On lui doit la rénovation de la Cité de la Caravelle à Villeneuve-la-Garenne et les cités des Hauts-de-Seine. Outre des logements, Roland Castro signa également la Cité de la bande dessinée à Angoulême ou la Bourse du Travail de la ville de Saint-Denis. Opposé au fonctionnalisme de son prédécesseur Le Corbusier, apôtre du lien social à travers les lieux d’habitation, il militait contre « l’apartheid urbain » et voulait « convaincre que les banlieues ne sont pas des fourre-tout pour exclus de la société ». Les édifices de Roland Castro se présentaient souvent comme des greffes à des constructions existantes. Il y ajoutait des lignes asymétriques, alliant le bois au béton, et privilégiant le blanc, orné de façades végétales.

« Faire la révolution en banlieue »

Né le 16 octobre 1940 à Limoges de parents juifs, il vit ses premières années dans la clandestinité. Réfugié avec ses parents et sa sœur dans l’arrière-pays limousin, à Saint-Léonard-de-Noblat, il est caché dans l’un des premiers maquis de la Résistance, dirigé par des communistes. Ces quatre années marqueront les décennies d’engagement de l’architecte, qui considérait devoir s’acquitter d’ « une dette d’existence envers la France ». « L’architecture, les banlieues, les causes n’ont jamais manqué : tout a été prétexte à régler cette dette », racontait-il de sa voix rocailleuse.

Entré aux Beaux-Arts de Paris en 1958, il est porteur de valises pour le compte du FLN algérien, avant de rejoindre l’Union des étudiants communistes, dont il sera expulsé en 1965 pour avoir critiqué la ligne stalinienne. Il finit par embrasser le maoïsme et la lutte révolutionnaire, bannière sous laquelle il militera en Mai 68, dont il devient l’une des figures.

C’est en 1983 qu’il parvient à donner une dimension politique à ses idéaux urbanistiques en cofondant « Banlieues 89 » avec son ami urbaniste Michel Cantal-Dupart. Leur mantra : « faire la révolution en banlieue », en réunissant des maires et des architectes autour de projets qui doivent donner un nouveau visage aux bâtiments défraîchis et aux conditions d’habitat qui se dégradent.

L’initiative remonte jusqu’à François Mitterrand, qui, à l’invitation de Roland Castro, visite la « Cité des 4000 » à la Courneuve. Prenant conscience de « l’oppression » dans laquelle ses résidents vivent, le président confie une mission interministérielle à l’architecte. Plus de 200 projets sont soumis à « Banlieues 89 ». Mais l’opération se confronte à la frilosité financière du gouvernement et le collectif disparaît en 1991.

Le « Central Park » de la Courneuve ne verra pas le jour

Personnage haut en couleur, qui s’affichait volontiers en costume rayé, il fréquenta Jean-Paul Sartre, Jacques Lacan (avec qui il suivit une psychanalyse de 7 ans), rencontra Fidel Castro (sans lien familial) et Che Guevara lors d’un voyage à Cuba en 1961.

Tantôt mitterrandien, tantôt soutien du PCF et de Robert Hue, Roland Castro avait créé son propre parti, le « Mouvement pour l’Utopie Concrète ». Étiquette sous laquelle il se lança dans la présidentielle de 2007 mais sans collecter les parrainages nécessaires. Lors de la campagne présidentielle de 2017, il avait soutenu la candidature d’Emmanuel Macron et même battu le pavé à La Courneuve pour tenter de convaincre des habitants des cités de voter pour son favori.

Après l’élection, le chef de l’Etat l’avait chargé d’un rapport sur le Grand Paris, remis en 2018, mais qui était resté lettre morte. Il y défendait notamment un projet rêvé de 30 ans : le « Central Park » de la Courneuve. Auteur de plusieurs livres, dont une autobiographie La Fabrique du rêve (2010), Roland Castro était père de 5 enfants, issus de plusieurs mariages.