Retraites : La Cour des comptes exclut un retour à 62 ans dans ses calculs

Impact de la réforme des retraites de 2023, projections à l’horizon 2045, leviers majeurs de financement supplémentaire, voici les principales conclusions de la mission flash de la Cour des comptes, dévoilées jeudi.
Quelle est la situation ?
La France consacre 13,8 % de son produit intérieur brut aux dépenses de retraites (388,4 milliards d’euros), « quatre points de PIB de plus que l’Allemagne ». Les cotisations sociales représentent les deux tiers des ressources allouées aux retraites.
Avec une pension moyenne de 1.626 euros bruts par mois fin 2022, « les retraités bénéficient d’une situation financière relativement favorable par rapport au reste de la population, avec notamment un taux de pauvreté inférieur, même si de fortes inégalités existent ».
En 2023, le système de retraites a été légèrement excédentaire (+8,5 milliards d’euros), principalement sous l’effet des « nombreuses réformes » depuis 2003 ayant repoussé l’âge de départ et de l’accélération de l’inflation.
Le régime général et le régime des salariés agricoles, qui représentent 42 % du montant total des pensions, sont « dans une situation financière précaire ». D’autres régimes sont en « situation plus favorable », comme ceux des professions libérales et des avocats. Et les régimes complémentaires obligatoires, redressés, sont en excédent.
Pour la fonction publique d’État, les « grandes divergences » du régime avec le privé (assiette de cotisations, démographie, etc) « ne permettent pas de le comparer aux autres ». Et « la comptabilisation de cette contribution publique est sans effet sur la charge qui pèse sur les finances publiques » globalement.
Quelles projections ?
La Cour, qui arrête ses projections à l’horizon 2045, anticipe « une nette dégradation de la situation financière » des retraites « malgré la réforme de 2023 ». Le déficit de tous les régimes atteindrait 6,6 milliards d’euros « dès 2025 » et se stabiliserait « autour de ce montant jusqu’en 2030, en raison notamment de la montée en puissance de la réforme de 2023 ».
Cette réforme aurait « un effet positif » d’environ 10 milliards à l’horizon 2030, mais de plus en plus limité ensuite.
« Sous l’effet de la hausse continue du nombre de retraités et du montant moyen de leurs pensions », le déficit des retraites devrait « se dégrader continûment et atteindre près de 15 milliards d’euros hors inflation en 2035, puis autour de 30 milliards d’euros en 2045 ».
« L’accumulation de ces déficits » entraînerait « le gonflement d’une dette qui atteindrait, en 2045, 350 milliards d’euros pour le régime général et 120 milliards d’euros pour (celui) des agents des fonctions publiques locale et hospitalière » Cela compromettrait « la trajectoire des finances publiques et serait contradictoire avec le principe même de la répartition ».
A l’horizon 2045, les pensions de retraite devraient moins augmenter que les revenus des actifs, mais leur montant moyen continuerait d’évoluer « favorablement, hors inflation ».
L’âge de départ effectif reculerait progressivement et « passerait à 64,5 ans environ à partir du milieu des années 2030 », mais la durée de vie à la retraite « ne devrait pas diminuer à terme » dans un scénario de hausse de l’espérance de vie.
Quels sont les leviers d’action ?
La Cour des comptes a testé l’impact des « principaux leviers » d’action sur le financement des retraites, en faisant varier leurs effets à la hausse ou à la baisse.
Pour l’âge d’ouverture des droits, fixé à 64 ans par la réforme de 2023, une avancée d’un an, à 63 ans, et un recul d’un an, à 65 ans, sont explorés. Mais pas un retour à 62 ans. Jouer sur cet âge aurait « un effet puissant à court terme », qui se stabiliserait à moyen terme. Et « à horizon 2045, l’équilibre du système de retraites serait dégradé de 4,3 milliards d’euros » avec un âge légal à 63 ans, et « amélioré de 8,4 milliards » s’il était remonté à 65 ans à partir de la génération 1972.
Agir sur les annuités requises pour une pension complète aurait « un effet de moindre ampleur mais mieux étalé dans la durée ».
Avec la réforme de 2023, la durée d’assurance requise devrait atteindre 172 trimestres, soit 43 ans, pour la génération née en 1965. A l’horizon 2045, l’équilibre des retraites serait dégradé de 7,7 milliards d’euros si elle diminuait d’un an, amélioré de 8 milliards si elle augmentait d’un an, à partir de la génération 1972.
Côté cotisations, une hausse d’un point de leur taux engendrerait « entre 4,8 et 7,6 milliards d’euros » de ressources annuelles supplémentaires, selon qu’elle s’applique à la part patronale ou salariale, aux salaires inférieurs ou supérieurs au plafond de la Sécurité sociale.
Mais « une hausse des taux de cotisations pourrait avoir des effets négatifs sur l’économie », en augmentant les coûts de production ou en réduisant le revenu net des salariés.
Une sous-indexation des pensions sur l’inflation -qui ferait par exemple économiser 2,9 milliards en 2025 si elle était d’un point- aurait « un effet négatif » sur l’économie « relativement faible » vu la capacité d’épargne « en moyenne plus élevée » des retraités.
Au-delà, la règle d’indexation annuelle en vigueur n’est « pas adaptée au pilotage des dépenses de retraite en cas d’évolutions défavorables ».