France

Résistant, juif, capitaine décoré et historien… Qui était Marc Bloch, bientôt au Panthéon ?

Soldat de la Première Guerre mondiale, républicain convaincu, historien novateur et résistant. Fusillé par la Gestapo en 1944 à 57 ans, Marc Bloch, qu’Emmanuel Macron souhaite faire entrer prochainement au Panthéon, a durablement marqué son temps. Sa grande œuvre reste la création en 1929, avec Lucien Febvre, de la revue des Annales d’histoire économique et sociale, fer de lance de l’école historiographique française. Longtemps considérée comme la revue d’Histoire la plus prestigieuse, elle influencera nombre d’historiens à travers le monde.

Né le 6 juillet 1886 à Lyon, Marc Bloch grandit à Paris où son père, historien lui aussi, va enseigner l’Histoire ancienne à la Sorbonne. Sa famille est juive, non pratiquante. « Marc Bloch n’avait foi qu’en une seule idée, la République », souligne auprès de l’AFP sa petite-fille, Suzette Bloch. Lui disait qu’il ne revendiquait sa judéité que « dans un cas : en face d’un antisémite ». Elève brillant, reçu à l’Ecole normale supérieure, il obtient l’agrégation d’Histoire-Géographie et enseigne en lycée.

Une nouvelle façon de penser l’histoire

Mobilisé comme sergent d’infanterie lors de la Première Guerre mondiale, il termine avec le grade de capitaine, est décoré de la Croix de Guerre et de la Légion d’Honneur. Il épouse ensuite Simone Vidal, fille d’un polytechnicien, dont il a six enfants. Il enseigne ensuite l’Histoire du Moyen Age à l’université de Strasbourg, de 1919 à 1936, avant d’être nommé à la Sorbonne.

« C’est le fondateur de l’histoire des mentalités, des croyances, des façons de penser », résume pour l’AFP l’historien Julien Théry. Avec notamment son maître livre Les Rois thaumaturges (1924), il donne « à l’Histoire un autre objet que les grands noms, les grands événements, les batailles ». Ses méthodes pionnières permettent une nouvelle approche, avec « une Histoire qui s’intéresse aux profondeurs de la société » et saisit l’homme dans tous ses aspects. « Il préfigure Fernand Braudel » et son Identité de la France, ajoute Julien Théry.

De l’antifasciste au résistant

« Passionné de la République » et grand patriote qui a signé dans les années 1930 le manifeste des intellectuels antifascistes, juif athée et Poilu de la guerre 1914-1918, Marc Bloch est à nouveau mobilisé en 1939. A sa demande, alors qu’il a 53 ans, six enfants et souffre d’une polyarthrite invalidante. « Je suis le plus vieux capitaine de l’armée française », disait-il. Il tirera de la débâcle de 1940 un ouvrage sans concession, L’Etrange défaite. Son ouvrage le plus connu, publié à titre posthume après-guerre et racontant de l’intérieur, de façon implacable, « le plus atroce effondrement de notre histoire ».

En 1940, avec les lois anti-juives de Vichy, il est exclu de l’enseignement avant d’être temporairement rétabli. C’en est fini quand les Allemands envahissent la zone libre en novembre 1942. Avec les siens, il se réfugie dans la maison familiale de la Creuse avant de faire une nouvelle fois le choix de cette France qu’il aime tant. « La France, dont certains conspireraient à m’expulser […] demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur », écrit-il.

Il rejoint la Résistance, plonge dans la vie clandestine à Lyon, intègre le mouvement Franc-Tireur. Sous le pseudonyme de « Chevreuse », puis d’« Arpajon » et « Narbonne », il constitue les Comités de la Libération de la région. Il est arrêté le 8 mars 1944, interné à la prison de Montluc et torturé pendant des jours. Il est finalement fusillé par la Gestapo le soir du 16 juin 1944 dans un champ broussailleux près de Lyon. Exécuté à la mitrailleuse, dans le dos. Avec 29 autres camarades, suppliciés par groupes de quatre.

Ses cendres sont transférées en 1977 dans le caveau familial du cimetière du Bourg-d’Hem, dans la Creuse. Avec deux mots simples gravés en guise d’épitaphe, « Dilexit veritatem » (« J’ai chéri la vérité »), la devise couchée en 1941 dans son « Testament spirituel ».