Rennes : La mère du bébé jeté dans une poubelle dénonce les viols et violences du père de l’enfant
L’affaire avait ému la France entière. Le 20 octobre 2023, un bébé âgé de quelques heures avait été retrouvé dans une poubelle enterrée du quartier Sarah-Bernhardt, à Rennes. Alertée par les cris, une habitante avait prévenu les pompiers, qui avaient pu sauver l’enfant, baptisé Noah Briac Alban par les soignants qui l’ont accueilli. Les parents du tout jeune enfant avaient rapidement pu être retrouvés grâce à leur ADN, le père étant déjà connu des services de justice. Rapidement mis hors de cause, cet homme originaire de Mayotte et âgé de 23 ans avait simplement évoqué « des relations sexuelles » avec la mère de l’enfant, tout en démentant être au fait de la grossesse de la mineure qu’il fréquentait.
Également mahoraise, l’adolescente alors âgée de 17 ans avait effectivement reconnu avoir accouché seule à son domicile, avant de perdre pied et de jeter son enfant dans un conteneur enterré de son quartier. Elle avait été mise en examen pour tentative de meurtre et placée en détention provisoire. La jeune femme avait dû porter seule la responsabilité de ce drame, livrée à la vindicte populaire pour avoir commis cet acte. En décembre, elle avait fini par reconnaître son enfant, qui avait été pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance.
« Je comprenais qu’il y avait des choses derrière »
L’affaire pourrait cependant connaître un important rebondissement. Libérée de sa détention provisoire à la rentrée, la jeune femme est aujourd’hui accueillie dans un établissement de placement éducatif et d’insertion (EPEI). Elle devrait être entendue dans les prochains jours par la police, a appris 20 Minutes, confirmant une information du Parisien. Cette fois, c’est en tant que victime qu’elle est convoquée. Son avocate a porté plainte contre le père de l’enfant en janvier 2024, afin de dénoncer les faits de viols, d’agressions sexuelles, de violences conjugales et de chantage dont sa cliente aurait été victime. « J’ai tout de suite perçu qu’il y avait une vraie difficulté sur la perception de son corps, sur la manière qu’elle avait de se décaler de son enveloppe physique. On sentait qu’il y a une scission. Je comprenais qu’il y avait des choses derrière. Ça faisait penser à des attitudes que l’on peut retrouver chez des victimes d’agressions sexuelles ou de viols », explique son avocate Me Amina Saadaoui.
Après de longs mois d’attente, notamment dus à un changement de prison, la jeune femme va enfin pouvoir être entendue et livrer sa version des faits. Celle qu’elle a pu livrer à son avocate mais aussi aux professionnels de santé et aux éducateurs qui la suivent. « Elle dénonce des viols, des agressions sexuelles, des violences habituelles par conjoint mais aussi des menaces. On lui disait : si tu ne fais pas ça, je vais te frapper, te violenter », poursuite Me Amina Saadaoui.
Des vidéos sexuelles comme arme de chantage
L’avocate a également porté plainte pour « atteinte à la vie privée par captation d’images privées à caractère sexuel ». « C’était une forme de chantage qui se mettait en place, avec la menace de dévoiler ces images ». Ces éléments, la jeune femme les a d’abord verbalisés, avant de les écrire, décrivant les rapports sexuels imposés par cet homme. Sans ses parents, sans amis proches, elle était livrée à elle-même à Rennes et a dû se débrouiller seule pour gérer cette grossesse sans aucun suivi.
Pour son avocate, ces faits « n’excusent en rien ce qu’il s’est passé » mais permettent « de mieux comprendre ce passage à l’acte, d’être plus éclairés ». « On peut comprendre comment on a pu arriver jusque-là », estime l’avocate rennaise. La difficulté pour la plaignante et son conseil sera d’apporter les preuves de ce qu’elle dénonce. Des éléments qui se révèlent toujours cruciaux dans les dénonciations de violences conjugales ou de viols conjugaux où la matérialisation des faits est bien souvent compliquée.
Une stratégie pour se défendre ?
La défense pourrait également considérer que la jeune femme tente de se sauver face aux accusations de tentative de meurtre dont elle fait l’objet. « On n’a aucune raison de douter des propos de ma cliente. J’ai devant moi une jeune fille avec un profil psychologique extrêmement fragile. Je ne la vois pas du tout capable de tenter une stratégie pour minimiser sa responsabilité. Je ne pense pas qu’elle en ait le ressort psychologique », répond l’avocate.