France

Réforme des retraites : « Qu’est-ce qu’il dit ? »… Emmanuel Macron inaudible sur le port de Marseille

Le soleil est à son zénith en ce mercredi printanier. Il est 13 heures devant la porte 2C du grand port maritime de Marseille. Depuis tôt ce matin, des dizaines de dockers et autres manifestants contre la réforme des retraites occupent le site afin de le bloquer, à l’appel de la CGT qui organise une journée port mort dans toute la France.

A l’écart, Maxime, Claude et Patrick, trois agents portuaires en grève, ont les yeux rivés sur un téléphone portable. Le président de la République s’exprime pour la première fois depuis le début de la mobilisation contre la réforme des retraites. Et quelques minutes seulement après le début de cette interview télévisée, les premières insultes et soupirs d’agacement fusent.

« Qu’est-ce qu’il dit, l’enculé ? », s’enquiert un manifestant qui passe derrière le trio. « On dirait un professeur qui donne une leçon, c’est horrible quand il parle comme ça », fulmine Maxime, une parka CGT sur le dos. « Quel menteur en plus, peste Claude à côté de lui. Il en a trouvé, des milliards pour l’armée, et il en trouve pas un pour les retraites ? A un moment donné, il faut arrêter ! » Quand Emmanuel Macron évoque une violence des manifestants, le ton monte devant l’écran. « Si vous êtes contre, que vous faites pas trop de bruit ou pas trop de bordel, c’est bien, ironise Maxime. Les siennes de violences, on ne les condamne pas ? Passer par la force, parce que tu es pas sûr de faire la majorité à l’Assemblée nationale, c’est de la violence ! »

Macron « est dans le déni et le cynisme » 

Un peu plus loin, dans une salle au calme, un autre trio écoute Emmanuel Macron. « Je suis écœurée de voir à quel point il est dans le déni et le cynisme, confie Régine. Il y a un tel décalage entre le discours et la réalité… » « J’ai même plus envie de regarder », lance sa voisine Hélène, qui détourne la tête. Un sentiment partagé par la majorité des grévistes présents ce mercredi. Seule une poignée accorde en effet une importance à l’interview du président de la République. A l’heure du déjeuner, l’enthousiasme est plus prononcé autour du barbecue ou de la buvette, à l’image du secrétaire général CGT du Grand port maritime de Marseille.

« On n’attend plus rien de ce personnage, justifie Pascal Galéoté, un verre de soda à la main. Aujourd’hui, il est totalement inaudible. Je pense qu’il ne prend pas conscience de la situation et qu’il n’œuvre pas pour l’intérêt général. Donc, on n’a pas écouté. Une fois de plus, c’est jeter de l’huile sur le feu. C’est un comportement irresponsable et dangereux. Il porte la responsabilité des désordres des mouvements sociaux qui vont se poursuivre dans les prochains jours. Quoi qu’il en soit, on est plus que jamais déterminé, convaincu et optimiste. »

Derrière Pascal Galéoté, sur un terrain de fortune construit pour l’occasion, quelques grévistes s’affrontent à la pétanque devant le port. « Croyez pas que c’est un plaisir d’être là à jouer aux boules, clame Stéphane. Moi, je préférerais me lever le matin pour aller travailler. Aujourd’hui, je suis pas payé. Les boules, c’est le folklore. Je suis ici en mémoire de ma mère. » Stéphane s’interrompt, les yeux humides. « Ma mère, elle a travaillé toute sa vie, et elle est morte à 64 ans. Sa retraite, elle en a profité six mois. Elle a même pas profité de mes enfants. Donc non ! On ira jusqu’au bout, jusqu’au retrait. Tant pis si je dois manger des cailloux. »