Réforme des retraites : Le « sabotage » du camp présidentiel sur l’abrogation fait enrager la gauche
A l’Assemblée nationale,
Ce devait être une journée plus que symbolique. Un jour de victoire pour tous les opposants à la réforme des retraites d’Emmanuel Macron. Jeudi, dans le cadre de sa niche parlementaire, le groupe insoumis proposera l’abrogation du texte porté par Elisabeth Borne et adopté dans la douleur d’un 49.3 en mars 2023.
A l’image du vote en commission, l’apport des voix du Rassemblement national aurait dû permettre d’abroger la réforme sans trop de difficulté. C’était sans compter la stratégie de la coalition gouvernementale qui, à force d’obstruction parlementaire, compte bien s’éviter l’organisation d’un vote dans l’hémicycle.
« Ce sabotage est grotesque »
En conférence de presse mardi matin, la cheffe de file des insoumis, Mathilde Panot, a le regard noir. La veille, les quatre groupes du « socle commun » (Renaissance, LR, Modem, Horizons) ont déposé près de mille amendements sur le texte d’abrogation de la réforme des retraites. Leur objectif : faire durer les débats jeudi jusqu’à minuit, clap de fin de la niche LFI, afin de s’éviter un vote perdu d’avance. « C’est une atteinte très grave au droit constitutionnel des groupes parlementaires. Nous allons nous battre contre cette obstruction et ce coup de force », soupire la patronne des députés LFI.
Les responsables du Nouveau front populaire défilent ensuite devant les journalistes. Tous s’agacent de l’attitude du bloc central. « Ce sabotage organisé par les députés macronistes est indigne. C’est aussi grossier que grotesque. C’est pathétique… », s’emporte Benjamin Lucas, porte-parole du groupe écologiste. Béatrice Bellay, du Parti socialiste, fustige lui « les méthodes de voyou du bloc central ». L’élue PS lit quelques amendements pour illustrer son propos : « »réformer les retraites : pourquoi se fatiguer quand on peut gagner des voix en un clin d’œil », voilà le type d’amendement auquel nous avons le droit. Les Français seront contents de voir que certains se permettent ces blagues dans un moment si important ».
« Ce sont des experts ! »
Du côté de l’ex-majorité, on hausse les épaules face à ces critiques d’obstruction parlementaire. « Ils parlent en connaissance de cause, ce sont des experts ! », raille Laurent Marcangeli. Le président du groupe Horizons à l’Assemblée fait allusion aux tonnes d’amendements déposées par la gauche – et principalement par les insoumis – lors des débats sur la réforme des retraites en 2023. « Nous, on ne va pas jouer sur les virgules, les points-virgules, les adjectifs et les verbes », ajoute-t-il.
Sauf que plusieurs élus de gauche ont épinglé ces dernières heures sur les réseaux sociaux de nombreux amendements de changements de titre et autres astuces bien connues pour faire durer les débats sans aller sur le fond du sujet. L’ancien ministre de l’Agriculture Marc Fesneau, désormais à la tête des députés MoDem, ne s’en cache d’ailleurs pas du tout : « La stratégie est que ce texte n’aboutisse pas. J’utilise tous les moyens de la démocratie. Et je n’ai aucun problème à le dire, car ce serait une tragédie si le texte était voté. Ça gêne madame Panot ? Dont acte. »
L’intéressée a bien tenté de montrer la différence entre l’obstruction parlementaire défendue par son camp en 2023 et la stratégie défendue par les macronistes ce mardi. « A l’époque, nous faisions écho à la souveraineté populaire qui s’exprimait dans la rue contre la réforme », dit Mathilde Panot. Cela ne change pas beaucoup la situation de jeudi. A minuit, le rideau tombera sur l’hémicycle quel que soit l’état des discussions sur le texte. Et si aucun vote n’a eu lieu, il faudra attendre une prochaine niche parlementaire pour pouvoir reprendre les débats.