France

Réforme des retraites : La crainte d’une radicalisation de la contestation

La réaction de la rue ne s’est pas fait attendre. Quelques heures après l’annonce par le gouvernement du recours à l’article 49.3 pour faire passer la réforme des retraites, de nombreuses manifestations spontanées se sont formées partout en France. De la place parisienne de la Concorde au centre-ville de Dijon, en passant par Marseille ou Rennes, plusieurs milliers de personnes sont descendues dans les rues pour dénoncer ce passage en force. Et contrairement aux précédentes mobilisations, de nombreux incidents ont été constatés. Selon le ministre de l’Intérieur, 310 personnes ont été interpellées jeudi, dont 258 à Paris.

Le scénario qui se dessine n’a pourtant pas surpris les services spécialisés. Une note du renseignement territorial publiée lundi, et que 20 Minutes a pu consulter, estimait déjà que l’éventuel recours au 49.3 était susceptible de « contribuer à revivifier la contestation et potentiellement sa radicalisation ». Dès ce vendredi matin, des blocages routiers ont été constatés à travers le pays, notamment sur le périphérique parisien. A Toulon et Bordeaux, la circulation des trains a été interrompue et un peu partout en France, des facs, établissements scolaires, bâtiments publics ont été bloqués. « L’opposition est légitime, les manifestations sont légitimes, le bordel ou la bordélisation, non », a martelé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans la matinée sur RTL.

« Des actions visibles »

« On sentait déjà les cortèges se tendre depuis la manifestation du 7 mars avec une présence accrue de black-blocs et d’ultrajaune [frange radicale des « gilets jaunes »], assure une source policière. Mais avec ce choix du 49.3, des militants syndicaux pourraient également tendre vers une certaine radicalisation. » Reste à savoir quelle forme prendra celle-ci. Ce vendredi toujours, dans un premier communiqué supprimé quelques heures plus tard, la CGT a appelé à engager « partout et particulièrement lundi, mardi et mercredi, des actions visibles » afin d’être en position de force avant la grande mobilisation prévue jeudi. Le blocage du périphérique parisien ou des trains à Bordeaux, orchestrés par le syndicat, ont donné le ton. Désormais, la CGT appelle à des « rassemblements de proximité tout au long du week-end ».

Dans sa note, le renseignement territorial précise également que des « gilets jaunes », présents un peu partout sur le territoire, pourraient également être tentés d’organiser de nouvelles actions : dégradations de radars, blocages de routes, péages gratuits… « Même si on constate la présence de « gilets jaunes », le mouvement est très différent de celui de 2018 qui émanait directement de la base, poursuit une source policière. Ici, depuis le début de la contestation, les syndicats ont un rôle prédominant, il y a une forme d’organisation. » Pour autant, difficile de savoir comment l’agrégation des différents courants protestataires s’exprimera.

Des actions contre les élus

Dans leur note, les renseignements territoriaux mettaient également en garde contre la multiplication d’actions à « l’encontre des intérêts d’élus favorables au projet de réforme », notamment des interpellations violentes lors de leurs déplacements ou dans leur permanence.

Signe que ces éléments sont pris très au sérieux, le ministre de l’Intérieur a fait passer dans la soirée de jeudi une note aux préfets pour leur demander d’avoir une attention particulière pour la sécurité des parlementaires, avec notamment une surveillance accrue de leurs permanences et domiciles. « Je vous demande de maintenir fermement le dispositif mis en œuvre », insiste le locataire de la place Beauvau.