France

Réforme des retraites : Emmanuel Macron va parler ce mercredi, mais est-il encore audible ?

« Jupiter » descend de l’Olympe. Emmanuel Macron va s’adresser aux Français ce mercredi à 13 heures lors d’un entretien en direct aux journaux télévisés de TF1 et France 2. Discret sur la réforme des retraites, le chef de l’Etat est très attendu sur le blocage politique et les tensions sociales qui agitent le pays. Mais dans ce contexte explosif, et à la veille d’une dixième journée de mobilisation contre le projet de loi, le président de la République est-il encore audible ?

« Il est difficile pour Macron de se réinventer »

Le locataire de l’Elysée veut reprendre la main après le rejet in extremis des motions de censure contre le gouvernement d’Elisabeth Borne à l’Assemblée, lundi. Le président a consulté tous azimuts mardi pour tenter de ressouder son camp et trouver une porte de sortie au blocage. Mais l’entourage du chef de l’Etat a déjà coupé court aux rumeurs sur un éventuel big bang à venir. « Pas de dissolution, pas de remaniement, pas de référendum », a résumé à l’AFP un participant de cette réunion à l’Elysée avec les ténors du gouvernement et les chefs de la majorité.

« Emmanuel Macron est un peu coincé entre deux positions : laisser Borne en avant et l’utiliser comme fusible si ça tourne mal, ou montrer qu’il reprend la main dans la séquence », juge Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS. « Face à la situation de tension actuelle, il est difficile de ressusciter un élan de confiance et de se réinventer, comme il avait pu le faire avec le « Quoi qu’il en coûte » post-Covid ou avec le grand débat lors des « gilets jaunes » », ajoute le chercheur du CEVIPOF. Le ministre des Transports, Clément Beaune, a esquissé mardi sur France Inter l’ouverture d’un « nouveau chapitre », avec des « initiatives » en matière sociale, citant des « mesures » possibles sur les conditions de travail et les rémunérations.

« C’est lui qui cristallise la colère »

Mais ces annonces seront-elles suffisantes pour « apaiser » le pays, alors qu’Emmanuel Macron est particulièrement ciblée par les opposants au texte ? Il y a deux semaines, en plein cœur de la contestation et avant même l’utilisation du décrié 49.3, un parlementaire Renaissance s’inquiétait d’une allocution elyséenne. « En parlant, Emmanuel Macron ne ferait que crisper encore plus les gens. Il faut qu’il préserve sa parole… », redoutait ce proche du chef de l’Etat. L’exercice est d’autant périlleux que la cote de popularité d’Emmanuel Macron est au plus bas, à seulement 28 % d’opinion favorable en mars (70 % de mécontents), selon le baromètre mensuel de l’Ifop.

« Il perd quatre points et passe sous la barre des 30 % pour la première fois depuis 2019, au sortir de la crise des « gilets jaunes ». C’est un véritable tournant », note Frédéric Dabi, directeur Général Opinion de l’institut. « Depuis le début des contestations, c’est lui, bien plus qu’Elisabeth Borne ou Olivier Dussopt, qui cristallise la colère », ajoute le sondeur. Au total, la popularité du président a chuté de 13 points, toujours selon l’Ifop, depuis sa réélection en mai 2022. « Il y a une personnalisation contre lui, notamment de l’électorat de gauche qui a voté pour lui face à Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, et n’a pas l’impression que ses voix aient été entendues dans ce début de mandat », poursuit Luc Rouban.

Dans ces conditions, l’équation s’annonce d’autant plus délicate que le dialogue social reste rompu et que le doute a gangrené sa propre majorité. « Même impopulaire, le président est la clé de voûte de la Ve République. Il reste donc audible, même s’il semble avoir perdu sa capacité à retourner l’opinion », nuance Frédéric Dabi. Un événement pourrait d’ailleurs contrecarrer la stratégie d’« apaisement » envisagée par l’Elysée. Emmanuel Macron conviera lundi prochain le roi d’Angleterre Charles III à Versailles, pour un dîner d’Etat. En pleine crise sociale, le symbole ne manquera pas d’être fustigé par l’opposition au projet de loi.