France

Réforme des retraites : Emmanuel Macron doit « montrer les leçons qu’il tire » de la crise lors de son allocution

Ses prises de paroles ont été rares pendant toute la séquence, mais Emmanuel Macron a décidé de se charger lui-même de clore le chapitre de la réforme des retraites. La suite de son second quinquennat s’ouvre avec la promulgation express de la loi, qui a suivi le feu vert du Conseil constitutionnel, et le chef de l’Etat veut marquer le coup d’une allocution lundi, à 20 heures. Un exercice risqué, alors que la gauche et les syndicats promettent de « continuer la lutte » et qu’un appel aux rassemblements devant les mairies a déjà été lancé.

Mais côté gouvernement, on assure qu’Emmanuel Macron s’exprimera « dans une logique d’apaisement », et pas uniquement sur les retraites. Mais pourquoi le chef de l’Etat veut-il prendre la parole maintenant ? Quelles annonces peut-il encore faire ? Quels éléments de communication a-t-il encore en main ? 20 Minutes se penche sur l’intérêt de cette allocution, avec le décryptage du politologue Bruno Cautrès.

Pourquoi Emmanuel Macron prend-il la parole lundi soir ?

Jouer « l’apaisement ». En mode allocution, comme lors de la crise du Covid-19, Emmanuel Macron remet le costume du président rassembleur. Selon Bruno Cautrès, politologue au Cevipof, il y a dans le choix de l’allocution une « volonté de mise en scène très solennelle de la parole » du chef de l’Etat, « qui correspond au moment grave » que traverse la vie politique française. L’occasion aussi de faire une dernière fois de la pédagogie sur la réforme, en se présentant comme « le garant des grands intérêts économiques et sociaux du pays », et d’expliquer qu’il était « obligé » de recourir aux outils utilisés par le gouvernement « pour sauver notre système de retraite ».

Mais l’exécutif mesure-t-il le risque lié à cette prise de parole ? Le 22 mars, le président s’était livré au jeu de l’interview à 13 heures, à la veille d’une manifestation… qui a battu un record de participants, à la surprise du pouvoir en place. « Il doit corriger le tir », affirme Bruno Cautrès, après cette interview qui avait « donné l’image d’un chef bunkérisé et incapable d’écouter » son peuple.

A quelles annonces peut-on s’attendre ?

Pour s’en sortir, Emmanuel Macron doit montrer « quelles conclusions il tire » de cet épisode « sur notre modèle démocratique », estime Bruno Cautrès. La décision du Conseil constitutionnel, en validant la réforme et en censurant le référendum d’initiative partagée, a toutefois renforcé la légitimité du « chemin démocratique » prôné par le gouvernement. Peu de chances donc d’assister à un coup de théâtre comme une dissolution ou un référendum.

« Il ne peut pas rester inerte sur le plan politique », juge Bruno Cautrès, mais difficile selon lui d’imager d’un remaniement « annoncé avec tambours et trompettes » en pleine allocution. Le « jeu de chaises musicales » pourrait toutefois être « suggéré » et prendre effet dans les prochains jours. Par ailleurs, Emmanuel Macron doit maintenant tracer le cap de la suite du quinquennat. Samedi, le porte-parole du gouvernement Olivier Faure laissait entendre que le président allait « faire le bilan » sur les autres dossiers de cette première année de quinquennat. Des chantiers ouverts, comme l’immigration ou le travail, pourraient donc être au menu.

Emmanuel Macron a-t-il les éléments de communication pour renverser l’opinion ?

« Il faut partir de la profonde césure entre le pouvoir et une partie du pays », analyse Bruno Cautrès. Dans la contestation contre la réforme des retraites, l’image de certains membres du gouvernement, relativement inconnus jusqu’ici, a été durablement écornée. « Ça ne se redresse pas avec des annonces », prévient le politologue, qui ne croit pas en un « effet waouh ».

« Les opinions politiques sont profondément structurées », continue-t-il. Avec deux crises sociales au compteur en moins de cinq ans, le mouvement des « gilets jaunes » et la lutte contre la réforme des retraites, « l’action d’un soir ne suffit pas », selon notre expert. La meilleure communication pour Emmanuel Macron réside donc dans « le long terme » et une remise en cause de son exercice du pouvoir. « Il doit mettre en œuvre de vraies modalités pour connecter davantage la sphère politique et la société civile » au sens large, résume Bruno Cautrès.