France

Réforme des retraites : Désunis comme jamais, Les Républicains plongent (aussi) dans la crise

« Le roi est nu ! » Le député Nicolas Dupont-Aignan raillait jeudi dernier l’absence de majorité présidentielle sur la réforme des retraites. La pique aurait aussi bien pu viser les responsables Les Républicains, qui voient, ces derniers jours, leur couronne vaciller. Eric Ciotti, le patron de la droite, et Olivier Marleix, le président des députés LR, ont négocié pendant de longs mois avec Elisabeth Borne pour garantir le soutien de leur groupe au projet de loi. En vain : les chefs à plumes n’ont pas été assez suivis, obligeant la Première ministre à dégainer le 49.3. Un aveu d’échec pour l’exécutif, et un nouveau raté pour la droite, qui a encore étalé ses divisions, lundi, lors du vote sur les motions de censure.

De quel « nous » parle Olivier Marleix ?

Salle des Quatre Colonnes, en début d’après-midi, les députés de droite brillent encore par leur absence. C’est pourtant eux qui ont le sort d’Elisabeth Borne et du gouvernement entre leurs mains. « Nous constatons qu’un nombre croissant de députés Les Républicains veulent voter cette motion de censure », veut croire, devant les journalistes, le député de la Marne Charles de Courson. « Nous appelons tous ces députés LR qui sont hostiles à cette reforme à en tirer toutes les conséquences et nous rejoindre ». L’élu du groupe Liot presse la droite à soutenir sa motion de censure transpartisane, visant à faire tomber le gouvernement macroniste. « Je dis aux élus LR : soyez gaullistes ! Soyez Républicains ! », ose même, un peu plus loin, le député insoumis Alexis Corbière.

Une heure plus tard, Olivier Marleix rappelle à la tribune la position officielle de son groupe : « Nous ne voterons pas les motions de censure ». Mais de quel « nous » parle alors le patron des députés LR ? Car plusieurs membres de son parti, comme l’élu du Lot Aurélien Pradié, ont passé la journée à dire tout bonnement le contraire. « Nous ne pouvons pas laisser notre pays se fracturer davantage, notre démocratie s’affaiblir. Il faut un électrochoc salutaire ». L’ex-numéro 3 du mouvement est d’ailleurs loin d’être seul : 19 élus LR sur 61 voteront finalement la motion de censure transpartisane, rejetée par l’Hémicycle par 9 petites voix seulement.

La droite aussi plonge dans « la crise »

Ce score étriqué et inattendu fragilise encore un peu plus l’avenir d’Elisabeth Borne à Matignon. Mais il pourrait aussi plonger la droite dans une crise d’autorité. Car ce vote illustre les éternelles divisions qui gangrènent le parti. Depuis le début de la séquence retraites, la droite a peiné à porter une position claire – et unie – sur la réforme. Ces dernières semaines, à mesure que les responsables LR se félicitaient d’obtenir au forceps des « concessions » de Matignon sur le texte, des députés prenaient dans le même temps un malin à plaisir à contredire leurs chefs, en exprimant publiquement leur opposition au projet de loi.

« Si on veut s’en sortir à l’avenir, il faut être cohérent. On a toujours défendu des mesures d’âge. S’opposer au texte dans une logique politique ou sous la pression, c’est la mort de la droite », soufflait jeudi le député des Alpes-Maritimes Eric Pauget, favorable au texte. Reste qu’Olivier Marleix et Eric Ciotti ne sont jamais parvenus à faire entendre ces arguments auprès des leurs. « Les ors de la République, les dîners à Matignon ont peut-être poussé Marleix et Ciotti à gonfler leurs chiffres [des LR favorables au texte], dans une forme de syndrome de Stockholm. Mais moi, je n’ai rien dealé avec le gouvernement », grinçait, le même jour, un élu LR opposé au texte.

Dans la brume politique qui vient, Les Républicains sont menacés d’implosion. Aurélien Pradié le reconnaissait, lundi soir, au micro de BFMTV. « Oui, notre famille politique traverse une crise. Mais elle est autrement moins importante que la crise qui traverse notre pays », balayait-il. Eric Ciotti, très mal à l’aise, préférait esquiver. « Il y a eu des débats, il y en a eu dans tous les groupes ». Ne pas voir ses démons pour ne pas avoir à les affronter. Une stratégie de l’autruche dont la droite a l’habitude ces dernières années.