France

Réforme des retraites : Censure, RIP… Quelles armes reste-t-il aux oppositions si le texte est adopté ce jeudi ?

Bientôt le bout du chemin pour la réforme des retraites. Après l’accord trouvé en CMP (Commission mixte paritaire) ce mercredi, le projet de loi du gouvernement pourrait être adopté ce jeudi au Parlement, par un vote au Sénat et à l’Assemblée nationale, ou par l’intermédiaire d’un 49.3. Après une huitième journée de mobilisation contre le texte, l’opposition n’a pas encore rendu les armes. Motions de censure, référendum d’initiative partagée, Conseil constitutionnel… 20 Minutes se penche sur les armes qui restent à disposition des oppositions pour contraindre l’exécutif à retirer le texte si ce dernier passe la dernière étape du Parlement. 

1. La motion de censure

Au sein de l’Assemblée, l’opposition s’organise. Une motion de censure collégiale pourrait être déposée jeudi. « Nous y travaillons, ça avance bien. Il y a des discussions qui ont lieu à la fois avec Liot (groupe centriste), quelques LR, la Nupes, nous avons bon espoir qu’il puisse y avoir une motion de censure transpartisane dans tous les cas de figure, notamment en cas de 49.3 », a indiqué mardi la présidente du groupe de La France insoumise (LFI) Mathilde Panot. Les élus du Rassemblement national, qui n’ont pas été invités à cosigner cette motion, ont toutefois indiqué qu’ils la voteront. La Constitution prévoit un délai de quarante-huit heures après le dépôt du texte pour organiser les débats.

Quel impact ? « Des motions déposées, c’est sans doute celle qui a le plus de chance de passer », veut croire le député LFI Antoine Léaument. Voir le gouvernement Borne tomber jeudi paraît toutefois peu probable. Pour passer, la motion doit recueillir la majorité absolue des membres de l’Assemblée, soit au moins 289 suffrages. Un chiffre difficile à atteindre alors que le patron des députés LR, Olivier Marleix, a mis la pression sur ses troupes, les menaçant à demi-mot d’exclusion en cas de vote favorable.

2. Le RIP (référendum d’initiative partagée)

Plusieurs élus d’opposition ont évoqué cette piste d’un référendum d’initiative partagée. Ce RIP prévoit la possibilité d’organiser une consultation populaire sur une proposition de loi « à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement », soit au moins 185 des 925 parlementaires (577 députés, 348 sénateurs). « Nous les avons, et donc nous allons la déposer […] C’est une proposition de loi qui annule celle [du gouvernement] », a confirmé le député communiste Stéphane Peu, mardi soir sur BFMTV. Mais le texte doit également être soutenu par un dixième des électeurs, soit 4,87 millions de personnes, dont les signatures sont recueillies dans un délai de neuf mois.

Si le seuil des 10 % est atteint, l’Assemblée et le Sénat ont ensuite six mois pour examiner la proposition de loi soumise au RIP. Si elle n’est pas examinée, le président de la République est tenu d’organiser un référendum sur le texte.

Quel impact ? Le RIP est une procédure complexe et n’a jamais abouti depuis son introduction dans la Constitution, en 2008. En 2019, la proposition contre la privatisation des Aéroports de Paris n’avait recueilli que 1,1 million de soutiens, bien loin du seuil nécessaire. Le gouvernement avait finalement suspendu son projet en raison de la crise du coronavirus.

3. Le Conseil constitutionnel

Autre piste évoquée par les opposants au projet de loi, le droit. « Il y aura plusieurs recours au Conseil constitutionnel contre ce texte s’il était voté », a ainsi indiqué Charles de Courson, député centriste du groupe Liot. « Il y a un vrai déni de démocratie d’avoir utilisé une loi de financement de la Sécurité sociale pour faire une réforme des retraites », a-t-il ajouté sur BFMTV. L’opposition cible le véhicule législatif choisi par le gouvernement, mais également le fond du texte. Les sénateurs de gauche ont indiqué qu’ils déposeraient aussi un recours sur la procédure accélérée des débats au Sénat.

Quel impact ? Difficile de savoir ce que feraient les membres du Conseil Constitutionnel. Mais certains éléments du texte, comme le fameux « index séniors », pourraient être invalidés car considérés comme hors sujet pour un texte budgétaire.

4. La poursuite de la mobilisation

Au sein de la gauche, on espère que l’opposition se poursuivra dans la rue en cas d’adoption du texte au Parlement. « Quoi qu’il arrive jeudi, vote ou 49.3, ce sera un coup de force contre le peuple. Cela confirmera la place de la mobilisation sociale, des manifestations, mais aussi des grèves, des blocages. Il y aura un durcissement du mouvement si la loi passe », assure Antoine Léaument, député LFI. 

Quel impact ? Si la journée de manifestation de ce mercredi a été moins importante que la semaine dernière, une large majorité de Français s’oppose toujours au projet de loi. Les manifestants peuvent espérer un dénouement semblable à celui du CPE (contrat première embauche) en 2005. Après une longue mobilisation, le projet de loi du gouvernement de Villepin avait été retiré malgré son adoption par le Parlement.