France

Réforme des retraites : 47-1 ou 49.3, course contre la montre… Comment vont se dérouler les débats ?

La bataille parlementaire sur les retraites sera plus courte que prévu. Le projet de réforme du gouvernement arrive lundi en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, puis le 6 février dans l’hémicycle. Pas besoin d’avoir une boule de cristal pour prédire des débats houleux alors que s’annonce, mardi, une nouvelle journée de  mobilisation à l’appel des syndicats. Environ 7.000 amendements ont été déposés par l’opposition et la majorité. Mais les parlementaires pourront-ils en débattre jusqu’au bout ? En optant pour un budget rectificatif de la Sécurité sociale (PLFSSR), le gouvernement a lancé un chronomètre : le Parlement n’a que 50 jours pour se prononcer. Sous peine de quoi, l’exécutif pourrait reprendre la main.

Pourquoi cette procédure ?

Le 10 janvier dernier, lors de la présentation du texte, Elisabeth Borne a dévoilé un secret de polichinelle : la réforme des retraites passera par un budget rectificatif de la Sécu. Cette solution permet à l’exécutif de déclencher à tout moment l’article 49.3 de la Constitution. Cet outil controversé est limité à une utilisation par session parlementaire (d’octobre à juin), mais il peut être utilisé à l’envi sur les textes budgétaires. Un parachute utile en cas de vote défavorable sur des amendements d’opposition ou s’il n’y a pas de majorité absolue pour voter l’ensemble de la réforme. Car malgré d’intenses discussions avec la droite, la crainte de l’exécutif d’être lâché au dernier moment a pris du corps ces derniers jours en raison des réticences de plusieurs élus LR et des hésitations au sein même du camp présidentiel.

Pourquoi le débat ne doit-il pas durer plus de 50 jours ?

En réalité, le gouvernement n’aura peut-être pas besoin d’un énième 49.3. Ces derniers jours, l’article 47-1 de la Constitution lui a volé la vedette. Le recours à un budget rectificatif de la Sécurité sociale entraîne automatiquement cette disposition plus méconnue, qui limite les débats dans le temps. « Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours », dit la loi.

Après la pause parlementaire du 20 au 26 février, la chambre haute dominée par la droite examinera donc le texte pendant deux semaines. Ensuite, députés et sénateurs tenteront de s’accorder en commission mixte paritaire. Mais attention : au total, les débats ne pourront pas durer plus de 50 jours. Si rien n’est acté d’ici la date butoir, le 26 mars, « les dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance ». Le 47-1 permet ainsi au gouvernement de contrecarrer « l’obstruction parlementaire » que promettaient les députés de La France insoumise en déposant des dizaines de milliers d’amendements, stratégie déjà utilisée lors de la précédente réforme des retraites en 2020. Et ce, sans utiliser le 49.3, très impopulaire dans l’opinion.

Une censure du Conseil constitutionnel ?

Le patron des députés PCF, André Chassaigne, a jugé la « manœuvre grossière, digne d’ennemis de la démocratie ». Les députés LFI ont, quant à eux, dénoncé auprès du Conseil d’Etat des « atteintes aux droits du Parlement ». Mais l’opposition garde un œil du côté du Conseil Constitutionnel : certains éléments du texte pourraient, en effet, être censurés par les Sages.

« Tout ce qui est hors champ financier peut être considéré comme un cavalier budgétaire » – et donc hors sujet – aurait estimé Laurent Fabius lors d’une rencontre avec des journalistes, selon le Canard enchaîné du 18 janvier. Le président du Conseil constitutionnel aurait notamment cité l’index des séniors ou les critères de pénibilité comme pouvant être retoqués. Un responsable de la majorité nous assure toutefois que l’exécutif envisage un autre texte « dans les prochains mois » pour faire passer les éléments éventuellement retoqués par les Conseil Constitutionnel.

Mais toutes ces trouvailles constitutionnelles pourraient-elles jouer des tours au gouvernement ? Ugo Bernalicis, député LFI du Nord, estime, en effet, que toute cette procédure ne fera qu’offrir des armes à l’opposition. « Le 47-1 n’est pas une trouvaille géniale du gouvernement. Car si à la fin, le texte n’est pas voté, et qu’ils utilisent une ordonnance, ce sera un argument pour nous. Cette loi n’aura pas eu la légitimité d’un vote de l’Assemblée nationale ». Et c’est peut-être dans la rue que le bras de fer pourrait alors se poursuivre.