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Reconnaissance de l’État de Palestine : La France, de Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, ne se presse pas.

Ce lundi, la France doit reconnaître officiellement l’Etat de Palestine par la voix d’Emmanuel Macron à l’Assemblée générale des Nations unies. En 2014, à l’initiative de députés socialistes, une proposition de résolution non contraignante est adoptée au Parlement visant à reconnaître l’Etat de Palestine.


Ce lundi, Emmanuel Macron doit annoncer à l’Assemblée générale des Nations unies la reconnaissance officielle de l’Etat de Palestine. Cette décision, qui avait été annoncée en juillet, est qualifiée par le président de la République de « fidèle » à l’engagement « historique » de la France « pour une paix juste et durable au Proche-Orient ».

Selon Thomas Maineult, historien et professeur agrégé d’Histoire, cette décision ne marque pas une rupture mais bien « l’aboutissement d’un processus ». Il précise que depuis environ quarante ans, la diplomatie française soutient l’idée qu’un Etat est nécessaire pour les Palestiniens.

À l’origine, la période de la IVe République est marquée par une « très grande complicité » entre la France et Israël, rappelle Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Toutefois, lors de la guerre des Six Jours en 1967, Charles de Gaulle amorce un changement significatif. Il condamne l’occupation des Territoires palestiniens, rompt la coopération militaire avec Israël et impose un embargo sur les armes. Thomas Maineult note que cela marque le début d’une politique de rééquilibrage des relations avec les pays arabes. Bien que cette critique n’interrompe pas les relations bilatérales, elle pave la voie à la reconnaissance des droits des Palestiniens.

Dans les années 1970, cette posture se renforce. Valéry Giscard d’Estaing déclare en 1974 : « Le fond du problème est de considérer qu’il ne peut y avoir de paix durable au Proche-Orient que si la question palestinienne fait l’objet d’un juste règlement… À partir du moment où la communauté internationale reconnaît l’existence d’un peuple palestinien, ce peuple doit pouvoir disposer d’une patrie. » Parallèlement, « la cause palestinienne gagne du terrain » dans divers milieux, selon l’historien.

Le tournant vers une reconnaissance plus formelle se produit avec François Mitterrand. En mars 1982, il effectue la première visite d’un chef d’Etat français en Israël. Devant la Knesset, il réaffirme le soutien de Paris à Tel-Aviv tout en soulignant le droit des Palestiniens à disposer d’une terre. « Le dialogue suppose la reconnaissance préalable et mutuelle du droit de l’autre à l’existence », affirme-t-il également.

Mitterrand va aussi inciter Yasser Arafat à modifier la charte palestinienne pour éliminer les références à la destruction d’Israël. Cela aboutit en 1989 à la visite de Arafat à Paris, durant laquelle il déclare « caduque » la charte de l’OLP. L’historien souligne l’importance du rôle de Mitterrand et de la diplomatie française à cette époque. C’est à partir de cette décennie que la solution à deux Etats devient une politique constante de la France.

Les successeurs de Mitterrand continuent dans cette direction. Thomas Maineult indique que dans les années 1990 et 2000, il y a moins d’initiatives diplomatiques marquantes. Cependant, des moments forts apparaissent, comme la visite de Jacques Chirac en 1996, où il s’énerve face au traitement réservé aux Palestiniens par les agents de sécurité israéliens.

La reconnaissance d’un Etat palestinien fait face à des résistances. La France doit ménager les sensibilités de son opinion publique tout en maintenant des relations solides avec Israël. L’historien souligne que de nombreux opposants sont encore présents en France, et que les gouvernements israéliens adoptent une position de plus en plus ferme sur ce sujet depuis l’assassinat en 1995 du Premier ministre Yitzhak Rabin.

Sous Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, la prudence reste de mise. En 2014, une proposition de résolution non contraignante pour reconnaître l’Etat de Palestine est adoptée au Parlement grâce à des députés socialistes. Thomas Maineult explique que d’autres préoccupations ont pris le pas sur la question palestinienne pendant les années 2010.

En 2025, la donne change suite à l’offensive à Gaza qui a commencé après le 7 octobre. Thomas Maineult suggère qu’il est crucial de reconnaître les droits des Palestiniens à un moment où leur situation est précaire. Pour la diplomatie française, cela devient l’une des seules options disponibles pour promouvoir la paix au Proche-Orient. Emmanuel Macron affirmait en juillet dernier : « Il n’y a pas d’alternative » pour atteindre cet objectif.