Reconnaissance de la Palestine : En Cisjordanie, des habitants craignent l’annexion par Israël.
Le 13 février 2025, Nabil et sa famille ont dû quitter précipitamment leur logement dans le camp de réfugiés de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie. Environ 40.000 personnes ont été déplacées de force lors de l’opération militaire Iron Wall, lancée le 21 janvier à Jénine et Tulkarem.
Le 13 février 2025, Nabil* et sa famille ont été contraints de fuir leur domicile dans le camp de réfugiés de Tulkarem, situé dans le nord de la Cisjordanie. Ils n’ont pas pu retourner chez eux, leur maison étant partiellement détruite, comme le rapporte l’infirmier en arabe dans un message vocal. Alors que la France a reconnu l’État de Palestine le 22 septembre, avec plusieurs autres pays, la colonisation en Cisjordanie s’intensifie. Ce territoire est occupé par Israël depuis 1967 et est morcelé par les colonies.
« Les forces israéliennes ne nous ont pas laissé le temps de récupérer nos affaires personnelles, se souvient Nabil. Des biens ont été endommagés et d’autres ont été volés. » Il vit désormais avec sa femme enceinte dans une location à Tulkarem, mais « en raison de la crise du logement, les loyers ont considérablement augmenté, et nous ne pouvons plus nous les permettre », ajoute-t-il.
### Environ 40.000 déplacés de force
Nabil figure parmi les 40.000 personnes déplacées de force lors de l’opération militaire Iron Wall, lancée le 21 janvier à Jénine et Tulkarem pour « neutraliser des cellules terroristes », selon les forces armées israéliennes. Cette opération a eu lieu après un premier cessez-le-feu dans la bande de Gaza, où la situation humanitaire continue de se dégrader, l’ONU ayant accusé Israël de génocide.
« L’opération Iron Wall a surpris par le nombre de déplacés d’un coup », souligne Simona Onidi, coordinatrice de projet pour Médecins sans frontières à Jénine et Tulkarem. Dans ces deux villes, trois camps de réfugiés ont été vidés de leurs habitants. En général, la population déplacée est comprise entre 500 et 1.000 personnes, comme lors de la destruction complète de villages dans la région de Masafer Yatta [au sud d’Hébron].
### Restrictions des libertés de circulation
Dans son dernier rapport, l’Office des Nations unies pour les réfugiés (UNRWA) indique que les forces armées israéliennes ont « encore renforcé les restrictions à la liberté de circulation et d’accès en Cisjordanie », avec l’instauration de nouveaux barrages routiers. Le 21 septembre, Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a déclaré dans une vidéo que son gouvernement allait accroitre la colonisation juive en Cisjordanie, en réaction au mouvement de reconnaissance de la Palestine, précisant qu’un tel État ne verrait pas le jour.
« Nous avons doublé les implantations juives en Judée et en Samarie [nom donné par Israël à la Cisjordanie] et nous continuerons sur cette voie », a-t-il ajouté. Deux ministres d’extrême droite, Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, ont même appelé à l’annexion de la Cisjordanie.
### « De plus en plus de terres allouées à la colonisation »
Simona Onidi fait état, de son côté, de l’augmentation du nombre de barrages routiers et de l’expansion des colonies, notamment celles de Jénine, qui avaient été évacuées en 2005 lors du désengagement de Gaza et qui sont en cours de réouverture. « De plus en plus de terres sont allouées à la colonisation, précise-t-elle. Cela se remarque partout en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. » Mi-août, Israël a approuvé un projet de construction dénommé « E1 », comportant 3.400 logements à l’est de Jérusalem. Selon les opposants, ce plan couperait le territoire palestinien en deux et empêcherait la création d’un État palestinien avec une continuité territoriale.
Ces menaces suscitent des préoccupations parmi les Palestiniens. « Nous craignons l’annexion de la Cisjordanie, témoigne Nabil, qui se réjouit de la reconnaissance de la Palestine par plusieurs États. Je pense que le plan actuel vise à annexer les terres et à expulser les Palestiniens, mais ce sont nos terres et nous ne les abandonnerons pas. » L’ONG Médecins sans frontières constate également une escalade de la répression militaire, la destruction de maisons et la violence des colons. « Ce sont d’autres moyens pour forcer les gens à partir », remarque Simona Onidi, qui précise que la crise économique pousse également certains Palestiniens à émigrer.
Comment sont perçues les menaces d’annexion ? « Les gens craignent que les Palestiniens soient de plus en plus contraints de se replier dans les villes, analyse la responsable de projet de MSF. Les terres agricoles seront annexées, et il restera peut-être des petits îlots de villes palestiniennes comme Jénine, Tulkarem, Ramallah. » La crainte est que le mouvement de reconnaissance se retourne contre les Palestiniens « si les États ne parviennent pas à faire pression pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza, mettre fin aux déplacements forcés et au risque de nettoyage ethnique », alerte-t-elle.
* Le prénom a été modifié.

