Reconnaissance de la Palestine : Emmanuel Macron prononce un discours historique ?
Emmanuel Macron a reconnu lundi soir l’Etat de Palestine au nom de la France, depuis la tribune de l’ONU, à New York. Selon l’historien Jean Garrigues, les conséquences géopolitiques de cette reconnaissance française seront par ailleurs restreintes, la Palestine n’étant pas reconnue par les Nations unies.
« La paix est beaucoup plus exigeante, beaucoup plus difficile que toutes les guerres. Mais le temps est venu […] La France reconnaît aujourd’hui l’État de Palestine ». Emmanuel Macron a donc, lundi soir, reconnu l’État de Palestine au nom de la France, depuis la tribune de l’ONU à New York. Cette reconnaissance a suscité des applaudissements, lors de l’ouverture de l’assemblée annuelle des Nations unies, consacrée en grande partie à la question palestinienne.
À travers ce discours, le chef de l’État a également cherché à renforcer la pression sur Israël afin de mettre fin à la guerre dévastatrice dans la bande de Gaza, déclenchée après les attaques terroristes du 7 octobre.
Un discours à la « portée symbolique »
Le discours d’Emmanuel Macron rappelle un autre discours prononcé par la France. En 2003, Dominique de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, avait exprimé l’opposition de la France à une intervention au Moyen-Orient dans cette même enceinte de l’ONU.
Ces deux discours à l’ONU peuvent-ils être mis en parallèle ? « Pas vraiment », estime l’historien Jean Garrigues, président de la commission internationale d’histoire des assemblées. Selon lui, la déclaration d’Emmanuel Macron a une portée symbolique, diminuée par le fait que plus de 140 États ont déjà reconnu l’État de Palestine, et que des grandes puissances comme le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et le Portugal l’ont formellement reconnu dimanche. Le discours de Villepin au Conseil de sécurité de l’ONU, quant à lui, « actait une opposition de la France, présidée par Jacques Chirac, à une intervention en Irak ».
Des conséquences géopolitiques « restreintes »
« Les conséquences géopolitiques de cette reconnaissance française seront en outre restreintes », ajoute l’historien. La Palestine n’est pas reconnue par les Nations unies et n’en est pas membre. De plus, la demande d’adhésion de la Palestine à l’ONU sera soumise à un veto des États-Unis. En effet, la requête d’adhésion d’un État aux Nations unies est examinée par le Conseil de sécurité, qui doit voir la totalité des cinq membres permanents – Chine, France, États-Unis, Russie et Royaume-Uni – l’approuver.
Le spécialiste d’histoire politique rappelle également que « peu de gestes ou de discours marquent la mémoire collective ». Il évoque le discours de Jacques Chirac au Vel’ d’Hiv’ en 1994, où il a reconnu la responsabilité de la France dans la déportation et l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, ou encore la poignée de main entre François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut Kohl en 1984, marquant la réconciliation franco-allemande après 1945.
« Ces moments restent en mémoire car ils sont des instants d’union nationale. Or cette reconnaissance de la Palestine divise les Français », déclare Jean Garrigues. Elle heurte une grande partie des Juifs de France, qui y voient une gifle en pleine résurgence de l’antisémitisme. « Si l’on retient ce discours de Macron, cela pourrait être une histoire contestée. Ce qui n’est pas vraiment le coup d’éclat attendu par le président », conclut le spécialiste.
Un report classique sur les enjeux internationaux
Ce discours s’inscrit aussi dans la trajectoire personnelle d’Emmanuel Macron, à un moment charnière de son histoire, en fin de second mandat. « Emmanuel Macron est un président qui a toujours voulu jouer un rôle de « leader » dans les relations internationales. C’était d’abord l’Europe en début de mandat, puis l’Ukraine, en essayant d’être médiateur entre les parties », rappelle Jean Garrigues. Cet attrait pour les enjeux internationaux se renforce à mesure que son mandat touche à sa fin dans dix-huit mois. « Avec l’usure du pouvoir, les présidents se tournent traditionnellement vers des enjeux internationaux en fin de mandat plutôt que de rester concentrés sur les dossiers nationaux. »
Sur le plan national, les affaires se compliquent : le pays attend la formation d’un nouveau gouvernement après la chute des gouvernements de Michel Barnier et de François Bayrou en raison de la crise de la dette, et l’Assemblée nationale est sans majorité. « Peut-être que Macron réactive involontairement la conception du président souhaitée par le général de Gaulle, c’est-à-dire un chef de l’État au-dessus des partis, laissant une grande latitude au Premier ministre pour gérer les affaires nationales », avance l’historien.
À l’international, le discours du chef de l’État français a été accueilli de manière variée. Selon une revue de presse menée par *Courrier International*, Politico Europe évoque une « victoire diplomatique du leader en difficulté », tandis que le quotidien britannique *Daily Telegraph* se moque d’un président dont les « effets théâtraux ne cachent pas la profonde division sur la guerre à Gaza au sein de l’Europe ».
Quant au *Washington Post*, le journal de la capitale américaine estime que si l’annonce de la France et d’autres Nations « représente un coup de pouce moral pour les Palestiniens », elle ne « changera rien immédiatement sur le terrain ».

