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RC Lens – OM : « Une pression constante »… Comment le kop lensois, installé en tribune latérale, influe sur les matchs

Ce qui est bien, avec le RC Lens, c’est qu’il y a une certaine cohérence : un festival sur le terrain acheté, un festival dans les tribunes offert. Dernier épisode de cette symbiose entre joueurs et spectateurs, la démonstration face à Monaco. Pendant que Loïs Openda et consorts brisaient le Rocher en mille morceaux (3-0), un véritable feu d’artifice éclatait à la trentième minute du match, pour fêter les 30 ans du KSO, le Kop Sang et Or.

La commission de discipline de la LFP, qui a dû faire une syncope en voyant cette animation, n’ayant pas encore décidé des sanctions à l’encontre du RCL, la tribune Marek, poumon du stade Bollaert, sera un atout de plus pour tenter de faire tomber Marseille de sa place de dauphin du PSG, samedi soir. Au même titre que Brice Samba, Seko Fofana ou Florian Sotoca, elle joue un rôle important dans la bonne saison des Sang et Or.

« Le cœur de Lens bat à travers son kop »

Alors que dans la très grande majorité des clubs, les kops se trouvent en virage, derrière les buts, les groupes ultras lensois sont regroupés le long de la ligne de touche, dans cette tribune latérale debout, d’où partent la Lensoise, avant le début du match, et le fameux chant Chicotés, cher à Presnel Kimpembe, après chaque victoire.

Quand je suis arrivé [en 1988], il n’y avait pas grand monde au stade, nous explique Gervais Martel, l’ancien président lensois. Il a fallu faire un gros travail pour faire revenir les gens, d’abord avec des prix abordables, pour les familles, les sections de supporteurs, les comités d’entreprise. A partir du moment où on est montés en première division, en 91-92, c’était parti, avec un développement de la tribune Marek, comme elle se trouve encore aujourd’hui. Plusieurs présidents me demandaient à l’époque pourquoi je mettais mon kop là et me disaient : “Mets le derrière les buts tu vendras des places plus cher en latéral.” Ce n’était pas le sujet. Le sujet, c’est que le cœur de Lens bat à travers son kop et que le kop doit avoir une situation privilégiée. »

De battre, le cœur de Lens s’est donc emballé. Et, depuis plusieurs années, il faut s’armer de courage pour tenter d’obtenir une place dans cette fameuse tribune. « Un abonnement en Marek, ça fait quinze ans que c’est compliqué d’en trouver un, relève Norman Noisette, président de la fédération des supporteurs Lens United. C’est une tribune avec 100 % d’abonnés, et avec 99 % de renouvellements. Ça s’acquiert de père en fils, ça se préempte. Chaque association à des listes d’attente. Quand on est montés en L1, nous, on avait répertorié 900 personnes sur liste d’attente et on leur avait expliqué qu’il faudrait peut-être vingt ans pour qu’ils en viennent à bout. »

A deux mètres des joueurs

L’atout principal de la Marek reste la proximité du terrain et des joueurs. Il n’y a pas la barrière du but, des panneaux publicitaires, de l’espace, comme il peut y avoir dans d’autres stades. Les supporteurs se retrouvent à deux mètres du terrain, presque au contact des joueurs. De quoi influer vraiment sur un match ? « Les clubs qui ont un kop derrière le but attaquent souvent vers celui-ci en deuxième période pour mettre la pression sur le gardien, la défense, faire du bruit, si besoin pour gagner ou revenir au score, raconte l’ancien Lensois Franck Queudrue. Nous, à Lens, on a une pression constante sur tout le match. Avoir un kop en latéral, ça te met direct dans l’intensité du moment sur toute la longueur du terrain. »

J’en garde un souvenir magnifique, et le fait que la Marek soit une tribune latérale donne encore quelque chose de différent, surtout moi qui suit un joueur de couloir, nous confie Jonathan Clauss, qui fera son retour à Lens, samedi, avec le maillot de l’OM sur le dos. J’ai adoré les avoir a quelques mètres de moi pendant des périodes entières. C’est une sensation qu’on ne retrouve pas souvent et c’est ce qui fait la particularité de ce kop. »

Pour l’adversaire, cela change-t-il quelque chose ? Pas vraiment selon Nicolas Plestan, ancien joueur du Losc, l’éternel rival, qui était même plutôt friand de jouer à Bollaert. « Le fait d’avoir un kop en latéral n’est jamais entré dans les discussions de préparation de matchs. Quand il y a du bruit, que ça soit pour ou contre, on aime ça. Même si j’ai joué à Lille, Bollaert reste une ambiance spectaculaire. Quand c’était hostile, j’adorais ça. Après, oui, les latéraux ont dû manger quelques mots doux. »

L’ancien défenseur central des Dogues raconte ainsi que Matthieu Chalmé ou Grégory Tafforeau ont pris quelques boulettes de papiers et des insultes au moment d’effectuer une remise en touche. « Les latéraux qui se retrouvent côté Marek, ils entendent du souffle, confirme Norman Noisette. En matière de pression et de ressenti, c’est assez unique. » Très attendu samedi, Matteo Guendouzi, qui avait bien chambré la Marek avec des gestes bienvenus, et vice versa, devrait entendre parler du pays.

Un paquet de frites sur la tête

« Quand il évoluait à Quevilly Rouen, Jonathan Clauss me disait que c’était impressionnant de jouer côté Marek, qu’ils n’entendaient pas leur coach et leurs coéquipiers sur le terrain, indique Charlotte », supportrice des Sang et Or abonnée en Marek. Pour nous, c’est plus facile de chambrer l’adversaire lors d’une touche ou d’un corner. On est un public plutôt drôle et taquin. » Et pas seulement avec l’adversaire. En 2010, lors d’un derby perdu sèchement par les Lensois, l’arbitre de touche proche de la Marek avait aussi pris la marée.

« Il s’était pris un paquet de frites sur la tête, se souvient Norman Noisette. Il s’est effondré, a pris trois jours d’ITT. Je ne suis pas persuadé que les frites étaient si dégueulasses que ça, au point de s’effondrer. Bon, nous, c’est resté quand même une anecdote très drôle, pas à la Ligue, parce qu’on a jamais blessé quelqu’un avec un paquet de frites. Parfois, il y a un peu d’abus dans la passion. » Comme lorsque des dizaines de spectateurs sont entrés sur la pelouse pour protester contre les mauvais résultats, en 2017.

Aujourd’hui, on est bien loin de cette sombre période en L2. Et, comme le Louvre Lens ou les terrils, la Marek est même devenu l’endroit où il faut être quand on se rend en Artois. « Tu as des touristes, des gens qui passent leur match sur le téléphone, avec un besoin de se montrer avec la mode TikTok, c’est un vrai fléau », estime Charlotte. « C’est devenu the place to be la Marek, ajoute Norman Noisette. Je ne suis pas fan. On a des gens qui nous ont remontés qu’ils étaient incommodés par les drapeaux. » On conseille à tout ce petit monde d’éviter la Marek la saison prochaine, avec le retour de la Ligue des champions. Ça devrait être encore plus spectaculaire.