France

Ranger, trier, jeter… Avoir une maison épurée, un phénomène de mode ou une tendance durable ?

Les Français n’ont pas attendu « la fin de l’abondance » annoncée par Emmanuel Macron en août 2022 pour réduire la voilure. Le minimalisme – qui pourrait se résumer par consommer moins en choisissant des produits plus durables – s’est imposé comme une tendance en France, notamment dans les logements. Le succès des livres de Marie Kondo ou des dizaines de comptes Instagram qui expliquent en long, en large et en travers comment trier, jeter, consommer… en témoignent. Même la télévision s’y est mise avec l’émission « Détox ta maison, 7 jours pour tout ranger », dont le premier épisode a été diffusé le 14 janvier dernier sur TF1.

« Ce n’est pas qu’une mode, il y a une vraie aspiration à des logements plus épurés », assure Rémy Oudghiri, sociologue et directeur de Sociovion, le groupe d’études des modes de vie de l’IFOP. Selon ses enquêtes, 60 % des Français ressentent le besoin de désencombrer leur logement. Après les Trente glorieuses et l’avènement de la société de consommation, les années 1990 « d’hyperconsommation », le sociologue constate depuis une dizaine d’années un changement profond dans la société. « Le Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur en 2020. Les gens ont eu besoin de faire du tri, de ranger et de se débarrasser », note-t-il.

Le minimalisme, une tendance ou une contrainte ?

A en croire les adeptes de ces principes et autres influenceurs en « désencombrement », habiter dans une maison épurée a de multiples vertus, à commencer par réduire le stress. Une sorte de feng shui des temps modernes en sorte. Le professeur de psychologie clinique de l’Université de Lille, Stéphane Rusinek refuse néanmoins pour le moment de faire un lien entre bonheur et minimalisme : « A ma connaissance, il n’y a pour l’heure aucune étude menée sur l’effet scientifique d’un logement épuré sur le bien-être. »

L’inclination bien réelle des Français pour des intérieurs purgés du superflu serait davantage contrainte par leur environnement. « La pression immobilière, notamment en ville, amène à vivre dans des logements plus petits », explique Rémy Oughiri, poussant ainsi à optimiser les espaces. Selon l’Insee, si les maisons individuelles s’agrandissent très légèrement ces dernières années, les appartements, eux, perdent en surface (-4 % entre 2006 et 2013). « On est également amené à déménager plus souvent et donc à s’encombrer le moins possible », ajoute le sociologue, citant par exemple les changements d’emploi ou les séparations.

Une tendance pas si simple adoptée

Cette tendance au minimalisme s’inscrit également dans une tendance plus globale. Après des décennies de surconsommation, l’accumulation n’est plus perçue comme un progrès. « Il y a une prise de conscience avec le réchauffement climatique et une culpabilisation à consommer à outrance, poursuit Rémy Oudghiri. Aujourd’hui, il faut avoir les biens qui comptent vraiment. » Pour autant, opérer ce changement n’est pas évident pour tout le monde. « Cela fait des millénaires que notre cerveau fonctionne à la récompense, précise Stéphane Rusinek, une récompense que beaucoup trouvent dans l’achat, parfois compulsif. »

Selon le psychologue, vider son appartement des objets superfétatoires n’est pas pertinent pour tous. « Les études montrent surtout qu’on a besoin d’un intérieur qui nous corresponde. Pour un amoureux du livre, posséder des dizaines de livres déjà lus et qu’il ne rouvrira peut-être jamais, peut faire du bien. C’est valable pour les souvenirs, pour les collections… »