France

« Qu’on puisse penser que je suis snob me terrorise », confie Clara Luciani

«J’aimerais que les personnes qui écouteront cet album se disent : « C’est un disque vrai. Elle ne nous a pas menti. Elle nous a accueillis chez elle, dans son salon, on s’est assis et elle nous a raconté qui elle était, sans artifice et sans chichi. » » C’est ce que répond Clara Luciani quand on lui demande l’impression qu’elle aimerait laisser aux auditeurs et auditrices de Mon sang, son troisième opus qui sort vendredi 15 novembre. Elle l’a conçu l’an passé, durant ses neuf mois de grossesse. Les thèmes de la maternité, de la filiation, des liens, traversent les treize chansons, sensibles, à l’élégance pop et rock. A l’image de leur autrice et interprète de 32 ans.

20 Minutes l’a rencontrée mercredi, au bar de L’Hôtel du Temps (Paris 9e). S’il ne fait aucun doute pour nous qu’un nouveau succès se profile à l’horizon – ses deux précédents albums, Sainte-Victoire et Cœur, parus en 2018 et 2021, sont certifiés triple platine pour plus de 300.000 exemplaires vendus – elle, semble moins sereine. Elle confie ressentir « une forme de pression à vouloir faire aussi bien et à ne pas décevoir les gens ».

Concevoir cet album durant votre grossesse, cela a été une évidence ?

C’était davantage un pari lancé à moi-même. Faire un disque dans un temps imparti était un challenge. J’ai toujours mis beaucoup de temps à faire mes albums. J’avais super peur de me retrouver immobilisée pendant neuf mois parce que cela venait d’arriver à une amie qui avait dû passer sa grossesse quasiment alitée. Moi, je rêvais d’une grossesse active et créative. J’ai eu beaucoup de chance parce que, à la fin, mon corps et mon esprit se sont alignés et j’ai pu être en studio jusqu’à dix jours avant d’accoucher.

Le fait de vivre physiquement une grossesse, avec tout ce que cela implique, cela a un impact sur la manière d’écrire, de faire de la musique ?

Il y a des bouleversements physiques, physiologiques, qui ont influencé l’écriture des textes, c’est certain. J’ai tendance à être hyperémotive et là, c’est vrai qu’avec les bouleversements hormonaux, je n’étais qu’émotions. Je le ressens quand j’écoute ce disque, à travers les textes à fleur de peau mais aussi à travers ma voix. Je pense que c’est lié à l’état dans lequel je l’ai créé.

Avez-vous beaucoup écrit, réécrit, jeté des textes ?

J’ai un rapport très bizarre aux textes, je ne jette pas et je ne corrige pas. J’écris tout en deux heures maximum et ça reste dans sa forme de base. Pour moi, un texte réussi, dans mon répertoire, ressemble à ce que je pourrais dire à l’oral. Il faut qu’il y ait quelque chose de très spontané. Si je travaillais trop les textes, je gagnerais en perfection, en poésie, mais je perdrais en naturel.

Vous ne mettez vraiment que deux heures pour écrire une chanson ?

C’est le fruit d’un travail qui a lieu avant que je me mette à écrire. Je mûris mes idées, mes réflexions, avant de les coucher sur le papier et ça, ça peut prendre des années.

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Etre portée par le succès de la tournée précédente et de vos deux premiers albums, ça aide ?

Je ne sais pas si je me suis sentie portée par ce succès. Je me suis sentie encombrée, quelque part, parce qu’avec le succès vient l’idée qu’il peut s’arrêter. Je ne suis pas apaisée par la popularité du dernier disque parce que ça met une forme de pression à vouloir faire aussi bien et à ne pas décevoir les gens.

On comprend que vous avez écrit la chanson « Seule » dans un moment de mélancolie. L’écrire a donc été cathartique ?

Toutes les chansons sont cathartiques. La solitude est un sujet qui revient pas mal dans ce disque. Ce n’est pas forcément quelque chose de négatif. Je dis qu’on ne s’en porte parfois pas plus mal, comme dans Romance : « On se retrouve comme un con, mais serein ». Je crois que j’aime bien ça, être seule. C’est drôle : je me suis entichée de cette solitude au moment où j’allais la perdre. S’il y a bien un truc qui est impossible à faire quand on vient d’être parent, c’est d’avoir du temps seul avec soi.

Toujours dans « Seule », vous chantez : « Où aller quand même la famille fait mal ». Cela sonne presque comme une subversion dans un album qui parle beaucoup de l’importance des liens familiaux ou, plus généralement, dans une société où la famille est envisagée comme un cocon protecteur…

Dans ce disque, j’ai voulu être tout à fait honnête. J’ai toujours voulu montrer les choses telles qu’elles sont. Il y a certains sujets qui souffrent de l’image instagrammable qu’on entretient. Je n’aime pas ce truc où tout est lisse, tout est rose, tout doit être photographiable. Il y a des aspérités et de la complexité partout. C’est le cas de la grossesse, de la maternité, de la famille. Je n’ai pas envie de faire croire que tout est tout le temps rose. Cette grossesse, je l’ai extrêmement désirée. Quand elle est arrivée, c’était fabuleux, mais il y a plein de moments où je ne me suis pas sentie bien physiquement, où je trouvais ça difficile. La maternité, c’est pareil. C’est le plus grand cadeau, la plus belle aventure de ma vie, mais évidemment que le post-partum, c’est très compliqué. Même chose pour la famille. Evidemment, que c’est ma safe place, là où je me sens le mieux. Mais en même temps, parce que je les aime plus que tout, la moindre égratignure que mes proches peuvent me faire me provoque beaucoup de douleurs.

C’est donc des messages qu’il vous importe de faire passer ?

C’est très important parce qu’on entretient un mensonge qui fait beaucoup de tort. Je crois qu’il existe plein de mamans qui se retrouvent avec leur bébé et se demandent « Est-ce que je suis normale si je suis triste ? » Ecouter le podcast Bliss m’a fait beaucoup de bien. Des femmes y racontent, de manière décomplexée, ne pas avoir aimé être enceintes. Ça fait du bien d’entendre ça. La grossesse, c’est aussi un moment introspectif, qui bouscule beaucoup de choses. La femme, biologiquement, est chamboulée hormonalement. Il y a des quêtes identitaires qui sont soulevées d’un coup, beaucoup d’émotions… C’est très intense.

Vous avez donc écouté ce podcast. Y a-t-il eu des livres, des films qui vous ont également nourrie ?

Oui, il faut que je retrouve le nom de l’autrice… (Elle cherche sur son smartphone) C’est un livre qui s’appelle Nouvelle mère de Cécile Doherty-Bigara. C’est fabuleux. Toutes les nouvelles mamans devraient lire, c’est tellement libérateur. En ce moment, je lis l’essai de Mona Chollet sur la culpabilité [Résister à la culpabilité] et ça aussi c’est très bien. A la maternité, on devrait nous faire un petit sac avec quelques lectures essentielles. Si on rentrait toutes chez nous avec ces livres-là, on respirerait un peu mieux. Et j’aimerais bien que dans ce petit sac on finisse par mettre cet album parce que je trouve qu’il dit beaucoup de l’état dans lequel on peut être à ce moment-là de sa vie. Notamment la chanson Courage. Je pense qu’elle va résonner chez beaucoup de nouvelles mères.

« Courage », « Allez »… On retrouve cette notion d’hymnes fédérateurs, enjoignant à l’action, comme « Respire encore » sur votre précédent album. A ce sujet, vous vous attendiez que cette chanson devienne ce qu’elle est devenue ?

Non, tout comme je ne m’attendais à rien pour La Grenade. On ne s’attend jamais à ce qu’une chanson marche ou ne marche pas et il ne faut pas que ce soit ce qui inspire l’envie de créer une chanson. Quand j’ai écrit La Grenade, ce n’était pas simple. J’étais une jeune femme de 23 ans dans un monde où, quand on parlait de féminisme, les gens levaient les yeux au ciel et soupiraient. L’accueil de ce morceau, au tout début, avant #MeToo, avant l’affaire Weinstein, ça n’avait rien à voir. C’était : « Qu’est-ce qu’elle dit et pourquoi perd-elle son temps à chanter ça ? » Et tout à coup la parole s’est libérée et cette chanson s’est mise à avoir un écho. Respire encore, c’est pareil. Elle a pris un sens particulier car elle est sortie, je crois, la veille du jour où le port du masque n’était plus obligatoire… Je ne crois pas que ça va se reproduire avec ce disque-là, il est moins sociétal.

« Allez », dans le contexte actuel, d’une grande morosité, peut résonner d’une certaine manière…

Vous avez raison. Elle peut prendre ce sens-là. Mais cette chanson ressemble à ce que je me chantais quand j’étais une toute jeune femme qui essayait de faire de la musique et que ça ne marchait pas. Je me répétais ces mantras d’autopersuasion. Je me disais que ça allait aller.

Y a-t-il un malentendu à votre sujet qui vous exaspère ?

Je ne sais pas, parce que j’ignore ce que les gens pensent de moi. Je crois que je suis trop sensible pour m’intéresser de près à la question. En revanche, ce qui me terrorise, c’est l’idée qu’on puisse penser que je suis snob. C’est vraiment ce que je ne supporte pas chez les gens, le parisianisme, l’élitisme… Cela ne me ressemble pas du tout. Je ne supporterais pas de paraître prétentieuse. J’espère que ce n’est pas le cas.

Etre marraine de « Star Academy » cette saison sur TF1, c’est un moyen de prouver que vous n’êtes pas dans le snobisme ?

Cela me ressemble. C’est bête dit comme ça, mais j’ai en moi, depuis toujours, l’envie de prendre soin des plus jeunes que moi. C’est aussi ce qui a motivé mon envie de devenir mère le plus vite possible dans ma vie, ce qui m’a poussé à m’impliquer avec l’Unicef. Ce goût pour le soin, l’accompagnement, me vient sans doute de ma maman, qui est aide-soignante et qui m’a transmis ces valeurs qui sont très fortes chez elle. Cette idée d’accompagner de jeunes artistes, de leur donner des conseils que j’aurais aimé recevoir quand j’ai commencé ce métier, à 19 ans, avait beaucoup de sens pour moi. C’était le bon moment pour le faire. J’ai une dizaine d’années de différence avec les élèves de « Star Academy ». Je leur raconte pas mal de moi, de mes expériences, de mes faux pas, etc… Ce qui m’a surprise, c’est que je ne m’attendais pas à apprendre autant de choses d’eux.

C’est-à-dire ?

Je suis très mal à l’aise sur scène, par exemple. Faire des télés, c’est super dur pour moi. Eux, ils font ça avec un tel naturel qu’ils me portent beaucoup. J’ai le vertige. Eux, pendant les primes, ils montent tous sur des machines surélevées. C’est grâce à une des staracademycienne, Ebony, que j’ai réussi à en faire de même lors d’un duo. Elle était trop mignonne, elle me prenait la main…

On vous a vu très impliquée durant la semaine qui vous était consacrée dans l’émission. Vous vous êtes attachée à ces élèves ?

Oui, encore plus que je ne le pensais. Je ne suis pas du genre à faire les choses à moitié. Je vis tout assez intensément et je prends ce rôle au sérieux. Quitte à le faire, autant le faire bien. Je suis à 1.000 % avec eux.