France

Qui veut sauver la maternité suisse d’Elne, un haut lieu de mémoire ?

La commune d’Elne, dans les Pyrénées-Orientales, a ouvert une souscription publique pour financer les travaux de rénovation de la maternité suisse. « A la fin du mois d’avril, une visite technique du monument a révélé des problèmes nécessitant une mise en sécurité rapide du lieu et une fermeture temporaire au public », détaille la commune. Selon ses estimations, le coût de la restauration s’élève à plus de 500.000 euros.

La maternité d’Elne, située à une dizaine de kilomètres au sud-est de Perpignan, est à la fois un témoin d’une période sombre de l’histoire et une magnifique leçon d’humanité. L’édifice a été créé en 1902. Mais rien à l’époque ne le prédestinait à entrer dans l’histoire. Le château d’en Bardou fut commandé par Eugène Bardou, dont la famille avait fortune dans le papier à cigarette, sous la marque Job.

L’enfer des accouchements dans les camps de réfugiés

Laissé à l’abandon, le bâtiment a été découvert en 1939, loué et réhabilité sous l’impulsion d’Elisabeth Eidenbenz, une jeune institutrice suisse devenue infirmière. Elle était en quête d’un bâtiment pour permettre aux femmes espagnoles ayant fui le franquisme, d’accoucher dans des conditions décentes et d’accompagner les premières semaines de vie de leurs enfants. Un soutien essentiel qui a permis de faire baisser le très fort taux de mortalité qui touchaient mères et nouveaux nés dans les camps de concentration des Pyrénées-Orientales, où étaient parqués les réfugiés espagnols issus de la Retirada.

La maternité a continué de fonctionner durant la Seconde Guerre mondiale en accueillant des femmes de vingt-deux nationalités et de toutes confessions. Notamment des mères issues du camp de Rivesaltes tout proche, mais aussi des femmes juives dont certaines, sous fausses identités, ont pu échapper à la déportation. 597 enfants y sont officiellement nés de 1939 à 1944. Notamment un petit Ruben, dont la maman, Remei Oliva, est décédée à 104 ans le 13 mai. Elle était la dernière femme encore vivante à y avoir donné la vie.

Eidenbenz distinguée soixante ans plus tard

Le nom d’Elisabeth Eidenbenz est longtemps tombé dans l’oubli. C’est l’enfant de ces enfants de la maternité suisse, né en 1941 et sauvé d’une mort certaine, qui a retrouvé cinquante ans plus tard sa trace dans un village autrichien. L’infirmière a obtenu en 2001 la distinction de « Juste parmi les nations » par Yad Vashem, l’Institut international pour la mémoire de la Shoah. Puis la légion d’honneur en 2007.

Entre-temps, la commune d’Elne a fait l’acquisition de la maternité pour en faire un musée. Il est devenu bâtiment historique en 2013. Si l’Etat et les différentes collectivités devraient en partie financer sa restauration, l’addition s’annonce lourde pour la commune. « Comme les travaux coûteront cher, nous ouvrirons une souscription populaire en Catalogne Nord et Sud. Vous pouvez maintenant visiter les jardins, nous préparons une exposition en plein air », précise le maire (PCF) Nicolas Garcia. Les modalités sont évoquées sur le site Internet de la commune.