Qui est Demna, le nouveau directeur artistique de Gucci, nommé pour relancer la machine ?

«Sa force créative est exactement ce dont Gucci a besoin », selon le patron de Kering. Le créateur géorgien Demna quitte Balenciaga pour rejoindre la marque italienne, dont les contre-performances plombent l’activité de sa maison mère Kering, le groupe de François-Henri Pinault.
Le styliste, qui était à la tête de la maison française depuis 2015, rejoindra Gucci début juillet, a annoncé jeudi dans un communiqué Kering, qui possède les deux maisons de couture, deux jours après la fin de la Fashion Week de Paris.
Impertinence et « approche provocatrice »
Né en Géorgie en 1981, le créateur, qui a abandonné son nom de famille Gvasalia en 2021, s’est fait connaître par sa capacité à habiller Kanye West et son ex-femme, Kim Kardashian, Justin Bieber, Aya Nakamura, la rappeuse Cardi B ou encore l’actrice Isabelle Huppert. Mais aussi à faire des T-shirts et de la haute couture et rendre désirable le « moche », comme des Crocs à semelles compensées ou des sacs « poubelle », faisant de Balenciaga une marque à part ayant franchi un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Le Géorgien est ainsi connu pour son style ironique et loufoque, qui a permis de ramener la vieille maison de couture fondée par le couturier basque au centre du jeu et des réseaux sociaux.
Ainsi, aujourd’hui, la nomination de Demna « au poste de directeur artistique représente le catalyseur parfait pour insuffler une dynamique créative à Gucci », veut croire Francesca Bellettini, directrice générale adjointe de Kering chargée du développement des maisons. « Demna conduira la maison vers une autorité renouvelée en matière de mode et une pertinence culturelle durable », affirme pour sa part Stefano Cantino, directeur général de Gucci.
Jusqu’à récemment, c’était surtout son impertinence qui caractérisait Demna. Mais il est parfois allé trop loin. En 2021, la tenue noire intégralement masquée de Kim Kardashian au gala du Met interpelle. L’année suivante, sa campagne publicitaire mettant en scène des enfants avec des accessoires d’inspiration sadomasochiste fait scandale. Demna reconnaît alors un « mauvais choix artistique » et promet de changer son « approche provocatrice » dans la façon de concevoir et de montrer ses vêtements. Dont acte : l’année d’après, il présente un défilé bien sage au Louvre, loin de ses scénographies anxiogènes ou apocalyptiques du passé, dans un tunnel ou dans la boue.
La nomination d’un challenger
De quoi lui valoir un transfert toujours au sein du groupe Kering, à la tête de la création de la maison Gucci. « Ce que Demna a apporté à la mode, à Balenciaga et au succès du groupe est immense. Sa force créative est exactement ce dont Gucci a besoin », a salué François-Henri Pinault, PDG du groupe de luxe, dans le communiqué annonçant ce transfert inattendu de ce challenger, alors que de nombreux noms circulaient.
« Je suis vraiment ravi de rejoindre la famille Gucci. C’est un honneur de contribuer à une maison que je respecte profondément et que j’admire depuis longtemps. Je me réjouis d’écrire avec Stefano [Cantino] et toute l’équipe un nouveau chapitre de l’incroyable histoire de Gucci », a pour sa part déclaré Demna. Le créateur de 43 ans remplace Sabato de Sarno, qui a quitté Gucci en février après seulement deux ans.
Depuis, les spéculations sur son successeur se multipliaient, les noms de Maria Grazia Chiuri, la directrice artistique des collections femme de Dior, ou de Hedi Slimane, qui vient de quitter Celine, revenant le plus souvent. Demna, lui, n’avait été que rarement, voire jamais, cité.
Sa mission : relancer Gucci
Cette nomination surprise est censée relancer la marque italienne, dont les contre-performances plombent Kering (Saint Laurent, Bottega Veneta…). Le groupe a vu son bénéfice net s’effondrer de 62 % en 2024, les ventes de la seule marque Gucci chutant de 23 % à 7,65 milliards d’euros.
La maison florentine a connu des années fastes entre 2015 et 2019, où son chiffre d’affaires a triplé. En 2022, les ventes ont même franchi le seuil des 10 milliards d’euros, toujours tirées par les créations baroques d’Alessandro Michele. Puis la tendance s’est inversée. En 2023, alors que Gucci représentait près de la moitié du chiffre d’affaires de Kering et générait deux tiers de son bénéfice opérationnel, ses ventes ont reculé de 6 %. Et le ralentissement du marché mondial du luxe en 2024 n’a fait qu’accentuer les difficultés de la marque.