Qu’est-ce que l’Agence bio dont le Sénat veut la peau ?
C’est un nouveau coup porté à l’agriculture biologique. Déjà mal en point depuis les premiers épisodes d’inflation, les professionnels du secteur ont appris avec stupéfaction que l’Agence bio censée faire leur promotion allait tout simplement être sacrifiée. Un choix soufflé par la droite, majoritaire au Sénat, lors de l’examen de la mission budgétaire du ministère de l’Agriculture. La ministre de tutelle aurait pu s’offusquer d’un tel lynchage. Mais pas Annie Genevard.
Pas vraiment connue pour son engagement contre les pesticides, l’ancienne députée Les Républicains du Doubs a rendu « un avis de sagesse » en donnant un rapide point de vue sur la question. « En ces périodes de difficulté budgétaire, personne ne peut être contre l’idée de rationaliser la dépense publique », a-t-elle répondu. La gauche a hurlé et les salariés de ce groupement d’intérêt public ont pleuré. « C’est la transition alimentaire et agricole qu’on assassine », estime Laure Verdeau, directrice de la structure qui fait travailler un peu plus de vingt personnes. Mais à quoi sert-elle ? Petit éclairage.
Faire la promo de la bio
L’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique ou Agence bio a été créée en 2001 par le gouvernement de Lionel Jospin. A l’époque, les ministres de l’Écologie Yves Cochet et de l’Agriculture Jean Glavany espéraient « convaincre les agriculteurs de faire de l’agriculture biologique », qui ne représentait alors que 1 % de la production française. En 2023, on comptait un peu plus de 60.000 exploitations engagées en bio, soit 14 % des fermes françaises. Mais l’an dernier, un quart des nouveaux installés avaient le fameux label vert.
Pendant un peu plus de vingt ans, l’Agence bio aura d’abord lutté pour informer les consommateurs, notamment en faisant connaître le label bio et ce qu’il représente comme avantages pour la santé et l’environnement. Favorable à une réduction de l’usage des pesticides, une partie de la population française a fini par adhérer, prenant le réflexe de cet achat militant, souvent un peu plus onéreux mais plus respectueux de l’environnement.
Tenir le registre des installations
Au-delà de cette mission de communication qui occupait une grosse partie de son temps, l’Agence proposait également une veille minutieuse du secteur : évolution du nombre d’exploitants, prix pratiqués, tendances d’achat… Un rôle essentiel notamment en période de crise pour comprendre pourquoi les consommateurs boudaient les produits bio. Si le prix était évidemment le frein principal à l’achat, il a aussi fallu lutter contre les puissants lobbyings de l’agriculture conventionnelle, qui n’ont cessé de torpiller le label « AB ».
Gérer un fonds pour l’avenir
Depuis 2008, l’Agence avait également récupéré la gestion du Fonds Avenir bio mis en place dans le cadre du plan de relance, dans le but de développer la filière et de la pérenniser « en finançant des infrastructures partout sur le territoire ».
Si l’Agence était amenée à disparaître, à qui seraient confiées ces missions ? D’après les sénateurs de droite, elles pourraient être réattribuées à un autre établissement public comme FranceAgriMer « ou réinternalisées par les services du ministère de l’Agriculture ». Selon la directrice de l’Agence bio, remettre les dossiers « entre les mains de fonctionnaires non spécialistes de la bio, c’est un peu comme si vous aviez rendez-vous avec un cardiologue pour une opération à cœur ouvert et que finalement vous vous fassiez opérer par un généraliste ». Pas rassurant.