« Quelque chose d’anormal se passe depuis plus d’une décennie », la mortalité des arbres inquiète

La forêt française est en danger. Le dernier inventaire forestier, réalisé par l’IGN (institut national de l’information géographique et forestière), dresse un constat inquiétant sur l’état des arbres : en l’espace de dix ans, la moyenne nationale de leur mortalité a augmenté de plus de 50 %, avec un bond spectaculaire cette année. Une situation qui semble liée, en grande partie, au changement climatique. Une chose est sûre, « quelque chose d’anormal se passe depuis plus d’une décennie », souligne l’IGN, contacté par 20 Minutes.

Trois régions sont particulièrement touchées par le phénomène : le Grand-Est, la Bourgogne-Franche-Comté où on constate deux à trois fois plus de mortalité des arbres qu’il y a dix ans, mais aussi les Hauts-de-France où l’augmentation de la mortalité atteint 130 %.

Insectes xylophages et champignons

« Cette augmentation est due au fait que les arbres sont exploités par la filière bois et à la récurrence d’épisodes de sécheresse et de conditions climatiques, à la fois difficiles pour les arbres et propices aux insectes xylophages. En effet, quand il fait chaud, ces insectes, qui s’attaquent aux arbres, prolifèrent. C’est notamment le cas pour les résineux comme l’épicéa qui est particulièrement touché dans le Grand-Est et en Bourgogne », explique l’IGN.

L’autre fléau est un champignon qui terrasse les frênes dans le nord de la France. Arrivé en France il y a 15 ans par le nord-est, il est désormais présent partout dans l’Hexagone. « Comme il s’est installé depuis longtemps dans les Hauts-de-France, c’est dans cette région qu’il fait le plus de dégâts pour l’instant », précise Nathalie Derrière, cheffe du département des résultats des inventaires à l’IGN. Sous entendu, les autres régions où le frêne est très présent vont bientôt le sentir passer.

Baisse de la productivité des forêts

« Globalement, on constate une baisse de la productivité des forêts de 10 % », poursuit Nathalie Derrière. Ça signifie que les arbres grossissent moins vite et produisent moins de bois. Un phénomène lié au stress quand il n’y a pas assez d’eau et qu’il fait trop chaud.

Cette baisse, assez importante sur une période de moins de dix ans, a de quoi préoccuper les gestionnaires et exploitants forestiers. Quatrième plus grande d’Europe, la forêt française joue un rôle croissant dans la transition écologique, notamment pour décarboner le secteur de la construction ou développer les énergies renouvelables.

Forêts plus vulnérables

Sa surface est aujourd’hui deux fois plus grande qu’il y a 200 ans et 20 % plus importante qu’en 1985. Mais la crainte d’une nouvelle surexploitation de la forêt commence à poindre. « L’exploitation du bois est de plus en plus soutenue, or les volumes d’arbres disponibles sont en baisse constante, déplore Nathalie Derrière. Nous n’avons pas de boule de cristal, mais la forêt ne va pas le supporter longtemps, surtout si elle est en souffrance. »

D’ores et déjà, la question des essences à replanter se pose. Dans un article du site Youmatter, Michel Loreau, directeur de recherche CNRS, met en garde. « En foresterie, une logique de monoculture a été mise en place dans la deuxième moitié du XXe siècle centrée avant tout sur les espèces les plus productives. » Logique qui a rendu les forêts plus vulnérables.

« La production de bois va souffrir avec le réchauffement climatique, rappelle le chercheur, la diversité des espèces peut donc jouer un rôle positif et nous permettra d’avoir des écosystèmes forestiers qui s’adaptent mieux au changement climatique. »