Que vaut la série « Cent ans de solitude », le roman « inadaptable » de Gabriel García Marquez sur Netflix ?

Netflix s’est livré à un pari risqué. Avec « Cent ans de solitude », dès le 11 décembre, la plateforme de streaming s’est aventurée sur l’adaptation d’un monument de la littérature. Une de plus ? Oui, mais le roman de l’auteur colombien Gabriel García Marquez (1927-2014) avait jusqu’à présent été jugé inadaptable.

Une œuvre longtemps jugée inadaptable

Prix Nobel de littérature en 1982, l’écrivain avait même mis en garde sur les difficultés de toute forme d’adaptation quiconque se frotterait à une telle entreprise. Le réalisateur Emir Kusturica, qui avait un temps imaginé s’attaquer à sa transposition sur grand écran, a finalement renoncé. Que les plus de 400 pages de celui qui est reconnu comme l’un des plus grands romans jamais écrits puissent être traduites à l’écran est une chose. En exprimer le « réalisme magique » était une tout autre aventure…

Un destin qui fascine

Sept épisodes d’une heure chacun environ nous plongent donc dans le destin de la famille Buendía sur laquelle plonge une étrange malédiction. À travers une véritable épopée sur plusieurs générations (à partir du milieu du XIXe siècle), la vie entière de ses membres, contraints à l’exil, mais aussi de toute une communauté qui fondera le petit village colombien fictif de Macondo, s’impose comme un récit épique.

Il est dense, pluriel, dramatique, drôle et burlesque à la fois. Fait d’aventures humaines, de mythes, de croyances, toujours sur un fil tendu entre la vie et la mort, ponctué de mystères, de fléaux, de maladies, de fantômes aussi, de violence et sexe. Il exerce sur le spectateur une réelle fascination. Voyage en terre inconnue, où le réel ne se départit jamais d’une dimension fantastique et onirique…

L’atmosphère mystique de l’œuvre restituée

Si elle ne possède pas la densité du roman et laisse forcément moins d’espace à l’imaginaire du spectateur que les (longues) phrases aux saveurs singulières de García Marquez, la série parvient à en restituer le climat. Et plutôt mieux qu’espéré.

Portée par des acteurs sud-américains dont ni le nom, ni le visage (José Rivera, Claudio Cataño, Moreno Borja…) n’attireront les foules occidentales, la restitution opérée a su conserver le souffle, l’alchimie, l’atmosphère mystique de l’œuvre. La Solitude de chacun de ses personnages, aussi. Telle celle du père Buendía, fasciné par la découverte, rêveur fou… qui ne verra presque pas sa descendance grandir.

Sans doute difficilement transposables, certaines subtilités du texte, son symbolisme et sa profondeur, échappent parfois à la caméra. Mais celle-ci reste inspirée. Face à l’univers fictif et au destin familial qu’elle dépeint, la série « Cent ans de solitude » ne passe en revanche pas à côté de la réflexion originelle sur la société latino-américaine, son Histoire et certains de ses événements fondateurs.

Du petit écran au roman

Sans doute la période des fêtes de fin d’année est-elle propice à une immersion passionnée au cœur de cette série aussi atypique que le roman qu’elle adapte. On y savourera son temps, à défaut de la binge watcher. À privilégier, évidemment, dans sa version originale espagnole sous-titrée. On imagine aussi que son visionnage en invitera beaucoup à la (re) lecture du roman de Gabriel García Marquez (éd. Points), déjà écoulé à plus de 50 millions d’exemplaires dans le monde.