France

Que sait-on du nouveau porte-avions qui remplacera le « Charles-de-Gaulle » ?

Emmanuel Macron a officialisé dimanche la réalisation du PANG, un programme à 10,2 milliards d’euros qui doit entrer en service d’ici à 2038. La construction du PANG commencera en 2031 à Saint-Nazaire, et il sera le plus grand et le plus lourd bâtiment militaire d’Europe, mesurant 310 mètres de long et pesant 78.000 tonnes à pleine charge.


Un futur monstre des mers. Emmanuel Macron a annoncé dimanche la création du PANG (porte-avions de nouvelle génération), un programme déjà inscrit dans la loi de programmation militaire, qui doit entrer en service dans la marine nationale d’ici 2038, afin de remplacer le Charles-de-Gaulle, opérationnel depuis 2001.

Ce projet représente un coût de 10,2 milliards d’euros, avec le début de la construction à Saint-Nazaire prévu pour 2031, sous la direction de Naval Group et des Chantiers de l’Atlantique. La fabrication des enceintes de confinement des deux chaufferies nucléaires du porte-avions a déjà débuté cette année sur le site de Naval Group à Cherbourg.

Mesurant 310 mètres de long et 90 mètres de large, et pesant 78.000 tonnes à pleine charge, il surpassera le Charles-de-Gaulle, qui fait 261,5 mètres de long, 64 mètres de large et pèse 42.500 tonnes. Avec un équipage de 2.000 marins, le PANG sera capable d’embarquer 30 avions de combat ainsi que divers types de drones aériens. Le futur porte-avions français sera donc le plus grand et le plus lourd navire militaire d’Europe.

Pour aller au-delà des simples dimensions, 20 Minutes a interrogé le député du Var, Yannick Chenevard (apparenté au groupe Rassemblement pour la République) et rapporteur du budget de la Marine à l’Assemblée nationale, sur les enjeux liés à la construction de ce nouveau navire.

Pourquoi construire un nouveau porte-avions aussi volumineux, et qu’apportera-t-il de nouveau ?

Sa capacité de 80.000 tonnes s’explique par la nécessité de davantage d’espace. Les avions deviennent de plus en plus grands : les Super Etendard de la Marine (utilisés de 1978 à 2016) pesaient 12 tonnes [avec le carburant et armements], le Rafale pèse 25 tonnes, et l’avion de combat du futur (le Scaf) en pèsera probablement 35. De plus, avec la dronisation, le standard F5 du Rafale, ainsi que le Scaf, seront accompagnés de drones d’environ une quinzaine de tonnes. Il est donc impératif d’adapter l’espace disponible, le nombre de catapultes et de brins d’arrêt. Les ascenseurs latéraux devront également avoir une capacité d’emport augmentée. Actuellement, ils peuvent lever un Rafale ; à l’avenir, ils devraient pouvoir en prendre deux.

Est-ce que l’objectif est aussi de pouvoir lancer davantage d’avions, tout en en récupérant simultanément ?

Tout à fait. Sur le Charles-de-Gaulle, nous sommes capables de catapulter un Rafale toutes les deux minutes — ce qui est déjà impressionnant –, mais nous passerons à une cadence d’une minute sur le PANG, qui aura également la capacité de récupérer des avions en même temps, contrairement au Charles-de-Gaulle qui ne peut réaliser l’une ou l’autre de ces actions. Cela représente une avancée technique majeure, modifiant significativement la capacité opérationnelle.

Il sera de plus équipé de catapultes électromagnétiques, par opposition aux catapultes à vapeur sur le Charles-de-Gaulle. Quelle en sera la différence ?

C’est un changement significatif, car la catapulte électromagnétique permet d’ajuster la puissance selon le poids de l’appareil lancé, ce qui rend l’opération compatible avec la dronisation. De plus, cela réduit les chocs violents lors du catapultage à vapeur, mieux vécus par les pilotes et le matériel, diminuant l’usure des appareils. Le PANG disposera de trois catapultes de ce type — une sur le pont latéral, deux sur la piste droite — contre deux catapultes à vapeur sur le Charles-de-Gaulle.

Comment la transition entre le retrait du Charles-de-Gaulle et l’entrée en service du PANG sera-t-elle organisée ?

Le PANG devrait arriver à Toulon en 2035, avec une mise en service active prévue pour 2038. À ce moment-là, le Charles-de-Gaulle sera désarmé. Toutefois, il pourrait être judicieux de prolonger la durée de vie du Charles-de-Gaulle jusqu’en 2048 pour assurer une présence permanente à la mer. Cette décision sera prise en 2029, après un arrêt technique majeur de dix-huit mois, durant lequel l’état de ses chaudières nucléaires sera évalué. Selon cette évaluation, le prolongement pourrait être envisagé ou non.

Pour garantir cette continuité en mer, la question de la construction d’un second PANG se pose aussi ?

Étant donné la situation internationale, le retour des Empires et une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés pour la France, il est crucial d’être présent à l’échelle mondiale pour défendre nos intérêts. La puissance navale permet également de sécuriser nos approvisionnements stratégiques (pétrole, gaz, métaux rares…) qui peuvent être menacés, comme nous l’avons constaté en mer Rouge. Dans cette perspective, avoir deux porte-avions pourrait être un choix à envisager dans les années à venir.

Une fois la décision concernant le Charles-de-Gaulle prise en 2029, il sera alors temps de réfléchir à la construction d’un « sister-ship » du PANG, avec un budget réduit d’environ 30 à 50 % grâce à un « effet de série » entre le premier et le deuxième.

À l’inverse, certains critiques affirment que les porte-avions deviennent des navires très vulnérables face à l’évolution des conflits, notamment à cause des drones. Seront-ils encore vraiment nécessaires longtemps ?

Les porte-avions sont des navires hautement protégés — grâce à leurs avions de combat et à une défense antiaérienne toujours en développement — et même face à la dronisation, qui représente une avancée considérable, ce n’est pas le seul facteur déterminant sur le champ de bataille. Un porte-avions nucléaire constitue une base aérienne mobile pouvant accueillir une quarantaine d’aéronefs, dont environ 30 avions de combat, avec une capacité de déplacement d’environ mille kilomètres par jour, rendant difficile son repérage. De plus, avec ses chaudières nucléaires K22 produisant 220 MW, le PANG sera plus puissant que le Charles-de-Gaulle et ses chaudières K15 de 150 MW.

Un porte-avions possède par ailleurs une portée très étendue grâce à ses appareils de guet aérien, lui permettant de surveiller les alentours. Enfin, il transporte l’arme nucléaire, via la Force aéronavale nucléaire (FANU) de la marine nationale, qui embarque des missiles nucléaires sur ses Rafale marine. Un porte-avions de cette classe représente donc une force de frappe considérable, et ne pas en posséder un équivaut à jouer en deuxième ou troisième division.