France

Quand la sécheresse met le métier d’artificier « clairement en danger »

« Le problème c’est qu’on travaille essentiellement l’été alors quand on se rate, on ne peut pas trop se rattraper. » Frédérique Marmajou, cogérante de la société Marmajou à Dax, résume ici les difficultés que rencontrent les artificiers du Sud-Ouest depuis l’été dernier. Après deux étés bien contrariés par le Covid-19, c’est le temps et des températures très élevées combinés à un taux d’humidité terriblement bas qui a mis à mal les organisateurs de spectacles pyrotechniques.

Et les incendies qui se déclarent dès la mi-juillet ont refroidi pas mal les municipalités. Quitte à annuler des spectacles au dernier moment. Au total, Eric, artificier à Mérignac, s’estime chanceux d’avoir pu reporter une partie de ses évènements sans quoi sa société aurait pu perdre jusqu’à 80 % du chiffre d’affaires annuel. De son côté, Frédérique confie à 20 Minutes ne pas avoir eu autant de chance et avance une diminution de 20 % de son activité en raison de la sécheresse.

« Il faut nous expliquer où on met le feu sur un lac »

Frédérique Marmajou, qui gère l’entreprise familiale landaise, se souvient ainsi s’être mise d’accord avec la mairie de Moliets-et-Maa pour tirer depuis la plage le 14-Juillet dernier, avant d’en recevoir l’interdiction… au dernier moment. « Et nos clients nous disent toujours la même chose :  »c’est une annulation du préfet alors ce n’est pas à nous de payer les frais ». Seulement, c’est nous, organisateurs, qui avons payé les frais ». « Le premier arrêté de l’été dernier est tombé le 12 juillet au soir, deux jours avant notre pic d’activité, alors que tous les frais étaient déjà engagés : la location de camion, le personnel », se rappelle, de son côté, Eric. Et d’ajouter : « C’est vrai qu’il ne faut pas faire n’importe quoi, surtout quand on voit ce qui se passait dans la région, mais quand on annule des spectacles qui devaient avoir lieu sur l’eau… »

Reste que l’été qui arrive s’annonce au moins aussi chaud et sec que le précédent et la directrice de Marmajou tranche alors, non sans émotion : « L’entreprise est clairement en danger et on ne doit pas être les seuls. » « En cas de nouvelle sécheresse, cela risquerait d’être catastrophique, pas que pour nous, mais pour le secteur en général », renchérit Eric.

Les professionnels du secteur, Frédérique et Eric en tête, attendent donc davantage de « cas par cas » au moment de prendre ces arrêtés qui devraient forcément tomber. « Ce cas par cas permettrait d’autoriser certains évènements », estiment les experts. Eric propose également de faire appel à la responsabilité professionnelle de chacun : « Ce serait irresponsable de tirer un spectacle au milieu des pins si c’est très sec, a contrario, un spectacle sur l’eau, ça ne craint pas grand-chose selon moi. » Même son de cloche à Dax : « Quand on organise un feu d’artifice sur un lac et qu’on nous l’annule. Il faut nous expliquer où on met le feu sur lac ? ! »

Remplacés par des shows à base de drones

Autre piste, en finir avec les arrêtés en pointillé. « Les interdictions étaient renouvelées chaque semaine, un arrêté plus long aurait permis de ne pas engager de frais », lâche Eric qui office pour la société Carat Pyrotechnie. Toutes ces solutions, Frédérique Marmajou les a écrites par « deux fois à la préfète des Landes, en septembre et en décembre ». « Je n’ai toujours pas eu de réponse, même pour dire qu’elle avait bien reçu mon courrier, peste la pro de la pyrotechnie. Quand on nous dit à l’année prochaine maintenant, on n’est plus aussi sereins qu’avant. Mais tout le monde à l’air de n’en avoir rien à faire ».

En attendant, un autre problème débarque. La mairie de La Teste-de-Buch, commune largement ravagée par les incendies de l’année passée, a déjà annoncé qu’elle renoncerait à ses feux d’artifice pour la prochaine saison estivale. Ceux-là seront remplacés par des spectacles « lasers et sons » ou encore des shows à base de drones. Une concurrence qui fâche Frédérique, qui n’est pas prête à se reconvertir : « Nous sommes spécialisés dans les feux d’artifice et les Toros de Fuego, les drones n’est pas le même métier. Et puis, il faut se dire que les gens adorent les feux d’artifice. » Plus optimiste Eric assure, lui, que « les contrats sont là pour l’été prochain ». L’expert a envie d’y croire comme ses clients : « maintenant, on verra si un arrêté tombe ou pas et dans quelles conditions. »