France

Quand la pénurie de logement nuit aux employés saisonniers

« Avoir la possibilité de loger nos salariés, c’est déjà presque la moitié du boulot de recrutement de fait ». Anthony, 30 ans et restaurateur à Mimizan mesure la chance qu’il a de pouvoir proposer à ses saisonniers un toit sous lequel ils pourront passer l’été. Il ajoute : « On vient d’acheter un nouveau restaurant et c’était vraiment primordial dans le choix de celui-ci d’avoir des chambres à disposition ». Selon l’INSEE, l’effectif total d’emplois saisonniers en France s’élevait à plus de 4 millions en 2017, dont plus de 780.000 lors du pic de juillet. Alors, avec une telle demande et dans un contexte de pénurie, trouver un logement devient rapidement un défi de taille.

« Cela fait plus de 15 ans que l’on alerte les pouvoirs publics sur ces questions-là ». Un brin exaspéré, David Vallaperta dénonce l’absence de réactivité de ceux-là. Le secrétaire régional de la CFDT en charge de l’emploi et du logement en Nouvelle-Aquitaine pointe du doigt un « enjeu majeur » qui entraîne des « difficultés à recruter pour certaines structures ».

Un manque criant de logement qui résulte de l’essor des plateformes de locations immobilières. Celles-ci entraînent une perte d’attractivité des locations mensuelles dans des territoires attractifs en périodes estivales. Alors, les propriétaires se dirigent davantage vers des baux « à la semaine », devenus beaucoup plus rentables. « En plus de ça, il y a l’inflation, on ne peut pas se permettre de mettre 900 ou 1.000 € dans un loyer, peste Doriane, serveuse dans un restaurant de Charente-Maritime. Aujourd’hui, c’est devenu un critère pour presque tout le monde d’être logé, sinon la saison n’est plus rentable ».

« On reçoit tous les jours des appels de saisonniers qui recherchent un logement »

Et Emma Ory, employée de la « Nomad : la maison des saisonniers » va dans ce sens : « On reçoit tous les jours des appels d’employés saisonniers qui cherchent des logements. Avant on s’occupait surtout de l’accès à l’emploi et du droit du travail, mais au fur et à mesure on a dû se saisir de la thématique du logement ». Et David Vallaperta d’enchérir : « Depuis les quatre ou cinq dernières années, ça a pris une proportion dramatique ».

Pas de quoi se montrer alarmiste pour autant selon Aurélie Loubes, conseillère régionale en Nouvelle-Aquitaine, en charge du Tourisme : « Pour l’instant ce n’est pas un frein pour le tourisme dans notre région. On a fait une excellente saison en 2022. Et 2021-2020 ont plutôt été des bonnes performances par rapport aux circonstances liées au Covid-19. On n’a pas eu d’impact négatif sur la fréquentation ».

Et sur la satisfaction des touristes alors ? Là encore, la conseillère régionale se montre plutôt mesurée : « On n’a pas de résultats d’études de satisfaction qui montrent que cela peut avoir un impact négatif sur celle-ci. Mais ça reste un point de vigilance, car les professionnels peuvent avoir des problèmes à délivrer leurs offres. Il n’y a pas une assemblée générale ou un conseil d’administration dans lequel les professionnels et ceux qui les représentent ne nous font pas remonter ces problématiques ».

Des initiatives pour endiguer le phénomène

Alors, il faut s’organiser et toutes les initiatives sont les bienvenues. « En mars dernier, on a voté un nouveau plan destiné à inciter la fourniture de logements saisonniers », se félicite Aurélie Loubes. Sans pour autant se vanter d’avoir réglé le problème : « C’est une problématique très lourde alors je n’ai pas la prétention de dire que nous allons régler ça tous seuls. Mais nous prenons des décisions qui vont dans ce sens ».

À une échelle plus locale, tous les moyens sont bons pour tenter d’endiguer le problème : mise à disposition d’internats de lycées en Bretagne et dans les Landes, d’ancien camping sur le bassin d’Arcachon, de chambres chez l’habitant ou encore de gîtes en Dordogne. « C’est toujours insuffisant, peste David Vallaperta, de la CFDT. On commence à être un peu plus entendus, on sent qu’il y a une prise de conscience des élus locaux et de pas mal d’acteurs économiques. On est en train de faire comprendre à beaucoup de personnes que si on ne fait rien, on sera bientôt sur des territoires qui ne vivent que sur l’économie des maisons secondaires ». Et de conclure : « Est-ce que c’est vraiment ça qu’on veut ? ». Pas sûr.