France

Pyrénées-Orientales : Pourquoi l’incendie géant annonce un été de tous les dangers

La pinède et les vignes en terrasse qui donnent un cachet si particulier à ce paysage de la côte Vermeille ne sont plus que cendres. L’incendie qui a parcouru près de 1.000 hectares ce week-end dans les Pyrénées-Orientales a laissé place à un paysage de désolation, sur lequel ne subsistent que des vignes qui ont joué leur rôle de « coupe-feu ». « Une catastrophe environnementale, écologique, économique aussi », témoigne le maire de Cerbère, Christian Grau. « Tout le monde est victime du changement climatique et de ses problématiques de sécheresse. »

L’incendie qui a ravagé 80 % de sa commune est « d’origine humaine », selon le procureur de la République de Perpignan, Jean-David Cavaillé. « L’enquête va devoir établir s’il est accidentel ou intentionnel ». Un feu d’une telle ampleur est exceptionnel par sa précocité. Il n’a quasiment aucun équivalent sur plus d’un million d’incendies répertoriés depuis 1973. « Je retrouve un incendie de 1.075 ha à Cissac-Médoc le 20 avril 2017 » et « 6.000 hectares dans le Médoc en avril 1990 », évoque l’agrométéorologue montpelliérain, Serge Zaka. Il s’appuie sur la base de données sur les incendies de forêts en France (BDIFF) et la presse. « Les inquiétudes sont maintenant réalités. Le déficit hydrique atteint -73 % dans la région, la classant ainsi [ponctuellement sur un an] en climat désertique. Il s’agit de la sécheresse la plus importante depuis le début de relevés de Météo-France [en 1959] ».

Sols arides, sécheresse des végétaux, absence d’eau

La sécheresse qui sévit depuis plus d’un an dans le département entraîne déjà, à une période où les recharges en eau devraient être à leur maximum, d’importantes conséquences sur le quotidien des habitants. Quatre communes situées dans la vallée de la Têt, n’ont plus accès à l’eau potable depuis le début du mois d’avril et sont ravitaillées en eau potable. Pour les agriculteurs, et bientôt pour le consommateur, elles s’annoncent dramatiques. « Depuis le début de l’année, le déficit est abyssal dans le Sud-Est, reprend Serge Zaka sur les réseaux sociaux. De nombreuses stations sont entre -80 % et -90 %. Je ne sais pas si vous vous rendez compte des conséquences agricoles. La saison culturale démarre sur une situation extrêmement tendue. Je pèse mes mots. »

Le feu qui a ravagé la région est exceptionnel, mais pas inattendu. Les pompiers laissent filtrer depuis plusieurs semaines leurs inquiétudes sur la période estivale. Toutes les conditions sont réunies pour des catastrophes environnementales : un terrain extrêmement sec en raison du déficit hydrique, et le manque d’eau pour l’éteindre. « S’il ne pleut pas d’ici cet été, au moins quinze bons jours, ce sera très compliqué, précisait à Midi Libre, le contrôleur général Eric Florès, directeur du Sdis (Service départemental incendie et secours des Pyrénées-Orientales) de l’Hérault. Pour l’instant nous avons tous les ingrédients pour que cela soit comme l’an passé au niveau des incendies. Il n’y a pas d’eau et nous avons, en plus, un effet cumulatif avec la sécheresse de l’année dernière. »

« Nous allons connaître un été 2023 très difficile »

Dans les Pyrénées-Orientales, l’eau du barrage de Vinça est en partie réservée à cet usage. Et pas question d’utiliser l’eau de mer par exemple. « L’utilisation d’eau salée nécessite des protocoles de rinçage assez conséquents pour nos pompes, précise le colonel Eric Belgioïno, directeur du Sdis 66. Pour les rincer, nous devrons utiliser de l’eau brute. Il y aurait donc une perte de rendement et d’efficacité. »

Venu sur place lundi pour constater sur place l’ampleur des dégâts, le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin l’a reconnu : « Nous allons connaître un été 2023 très difficile. » Même s’il s’est voulu rassurant : « la France est prête à affronter la saison des feux de forêts. » « Le plus préoccupant pour cet été, c’est que les feux risquent d’être beaucoup plus intenses : le volume de combustible est plus fort », estimait, dès le mois de février, le colonel Stéphane Clerc, directeur adjoint du Sdis 66.

Si les Pyrénées-Orientales sont les premiers touchés, c’est toute la France qui est concernée – à des degrés divers – par cette sécheresse et donc à un niveau de risque exceptionnel. En 2022, 785.000 hectares ont brûlé dans l’Union européenne, avec des brasiers géants dans le Médoc et la péninsule ibérique. Rien ne laisse envisager que ces chiffres soient meilleurs cette année, bien au contraire… Rien, si ce n’est une prise de conscience de la population et des pratiques à risques. « A 80 %, les feux sont d’origine humaine », rappelait Gérald Darmanin, lundi. S’il s’agit parfois de départs de feu d’origine criminelle, la négligence (écobuage, mégots, étincelles, etc.) est la principale raison de ces catastrophes écologiques.