France

Pyjama Dior, Lamborghini… On était à la vente aux enchères de biens saisis aux trafiquants de drogue

La salle des pas perdus du vieux palais de justice de Paris transformée en show room. Comme au BHV, on trouve un peu de tout : des chaussures Gucci, des sacs Louis Vuitton, des montres Rolex, des lunettes Prada, des Playstation 5, des aspirateurs Dyson. Mais aussi du mobilier, des bijoux, un quad, des vélos et même une perceuse… Tous les objets proposés, souvent clinquants, ont été saisis par la justice dans le cadre d’affaires liées au trafic de stupéfiants. Leur vente aux enchères est organisée ce mardi par l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) et par la direction nationale d’interventions domaniales (DNID).

Le ministre de l’Economie, qui a fait le déplacement dans la matinée, s’arrête un instant devant le lot 177 : un pyjama en soie Dior, vert pomme. Mise à prix : 200 euros. « Franchement, Eric, ça t’irait super bien ! » lance Gabriel Attal au garde des Sceaux. « Si tu l’achètes cet après-midi, je te promets que je le mets », lui répond, amusé, Éric Dupond-Moretti.

« C’est un cercle vertueux »

Les 277 objets proposés dans le catalogue ont été acquis « avec l’argent du crime », souligne le ministre de la Justice. Les bénéfices de la vente aux enchères vont « servir à lutter contre les trafiquants de drogue et à aider les toxicomanes. C’est un cercle vertueux », assure-t-il. « On souhaite augmenter les moyens pour nos policiers, nos gendarmes et nos douaniers, pour lutter efficacement contre les trafics de stupéfiants. On veut aussi augmenter les moyens pour nos politiques de prévention, pour prévenir la toxicomanie. Tout l’argent qu’on peut trouver est bon à prendre. On espère aujourd’hui obtenir un million d’euros supplémentaires de cette vente », complète Gabriel Attal.

« Le produit de cette vente va abonder le fond de concours drogue dont la Mildeca a la gestion », détaille à 20 Minutes Nicolas Prisse, le président de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. L’argent gagné « est ensuite reversé aux ministères en charge de la lutte : l’Intérieur, avec la police et la gendarmerie, la Justice, et Bercy, avec la direction générale des douanes et des droits indirects qui est très active dans les ports et les aéroports. La Mildeca conserve 10 % du fonds pour mener des actions dans le champ de la prévention », précise-t-il.

Une idée « amusante »

Les deux ministres, eux, poursuivent leur déambulation dans la salle des criées, où sont exposées des montres de luxe. « Elles ont été entièrement démontées et inspectées », assure Geoffroy Ader, expert en horlogerie place Vendôme. La pièce dont l’estimation est la plus élevée est une Rolex Daytona, « un modèle emblématique qui existe depuis soixante ans ». Mise à prix : 8.000 euros.  « Il s’agit de l’une des dernières versions, avec une lunette en céramique », détaille l’expert. Certaines montres ont été « customisées », c’est-à-dire serties de diamants. « C’est un signe extérieur de richesse » pour les trafiquants qui en avaient fait l’acquisition, observe Geoffroy Ader.

La Lamborghini Huracan blanche a été achetée 138.000 euros
La Lamborghini Huracan blanche a été achetée 138.000 euros – Thibaut Chevillard

Pierre traîne sa longue barbe blanche devant les stands des baskets de luxe. « Je trouve l’idée de m’approprier un objet issu de cet environnement-là amusant », rigole ce chauffeur de taxi. « C’est une sorte d’appropriation de la culture pop par les bobos parisiens, si vous voulez », ajoute-t-il. François, lui, assiste pour la première fois à une vente aux enchères. « Ils ont été acquis de manière illégale, alors si de l’argent peut revenir à l’État par ce biais, c’est un juste retour de choses », observe-t-il. Il ne serait fait guère d’illusion : au regard du monde présent au tribunal, les enchères risquent de s’envoler très vite.

« Il achetait des véhicules de luxe qu’il revendait »

A 13 heures, la vente commence dans la salle des « grands procès », qui accueille en temps normal les audiences exceptionnelles, comme le procès du 13-Novembre. Plus de 11.000 personnes la suivent également en direct sur Internet. Le clou est une Lamborghini Huracan blanche, garée dans la cour du palais de justice. Elle a été « confisquée par le tribunal de Lorient », indique Nicolas Bessone, le directeur général de l’Agrasc. Son ancien propriétaire « était dans le blanchiment de trafic de stupéfiants, il achetait des véhicules de luxe qu’il revendait », signale-t-il. 

Ne suscitant finalement que peu d’intérêt, son prix, fixé à 160.000 euros, est revu à la baisse. Dans la salle, un homme lève la main, un internaute renchérit derrière. La bataille entre les deux acheteurs fait rage. La sportive est finalement remportée par l’internaute, qui aura déboursé 138.000 euros pour se l’offrir.