France

PSG – Inter : « L’un des meilleurs attaquants d’Europe »… Il est enfin temps de réhabiliter Marcus Thuram, non ?

Marcus Thuram est décidément un attaquant à part. Du genre capable d’avoir un compteur bloqué à 1 but en 37 matchs de Ligue 2 à quasiment 20 ans, puis de marquer davantage en Serie A qu’en Bundesliga, pourtant le paradis des prospects offensifs français depuis une dizaine d’années. On doit parfois se pincer face aux chiffres déments d’Ousmane Dembélé sur le premier semestre 2025, mais que dire de la métamorphose de Marcus Thuram en Italie ?

Avant la finale de la Ligue des champions, ce samedi (21 heures) à Munich entre le PSG et l’Inter Milan, il est plus que jamais temps de prendre au sérieux le fiston de Lilian pour ses deux saisons de haut vol. « Il y avait du scepticisme à son arrivée, surtout car il allait toucher un salaire de 6 millions d’euros par an, raconte Gautier Palomba (23 ans), tifoso franco-italien de l’Inter. Mais il s’est très vite connecté au capitaine Lautaro Martinez et à toute l’équipe. Ses buts contre l’AC Milan lui ont aussi valu d’être adoubé par le public, et de même avoir son chant personnalisé. »

« Les Italiens aimeraient l’avoir avec la Nazionale »

Journaliste suivant le football italien pour Eurosport, Guillaume Pacini confirme : « Lorsqu’il est arrivé libre du Borussia Mönchengladbach en 2023, personne en Italie ne s’attendait à ce qu’il atteigne ce niveau-là, ni qu’il ait cet impact sur l’Inter. C’est désormais un patron, comme on l’a vu en début de saison lorsqu’il a pris l’équipe sur ses épaules, au moment où Lautaro était dans le dur ».

Une évolution qui « impose le respect de tous », et qui pousse le journaliste à ce constat : « Il impressionne tellement qu’il est perçu par les médias et les tifosi comme l’un des meilleurs attaquants d’Europe ». Soit l’exact opposé de la valeur que lui accorde une grande partie du public français, focalisé sur son décevant rendement avec les Bleus (2 buts en 29 sélections depuis près de cinq ans), à l’image de son Euro 2024 à l’envers.

« Comme il est né à Parme, les Italiens aimeraient beaucoup l’avoir avec la Nazionale, sourit Guillaume Pacini, qui vit à Milan. Il est en tout cas légitime que les attentes soient fortes en équipe de France vu le joueur qu’il a su devenir à l’Inter. Mais il faut bien comprendre qu’en club, il évolue dans un 3-5-2, qu’il a développé une grande complicité avec Lautaro et qu’il maîtrise parfaitement les préceptes tactiques pointilleux de Simone Inzaghi. » Autant dire tout l’inverse du « DD ball », où il se retrouve isolé en pointe ou sur une aile, et orphelin de son Argentin favori.

« Le contraste entre le Marcus Thuram de l’Inter et celui des Bleus est énorme. En France, le grand public ne se forge un avis sur lui que via ses matchs avec la sélection. J’entends qu’on puisse le trouver dépendant d’un grand collectif, mais je vois toujours des messages qui le font passer pour un piètre footballeur… »

Plutôt Benzema 2022 ou Layvin Kurzawa ?

Et oui, se balader dans l’empire des trolls qu’est X permet de constater qu’il devrait passer derrière le Lorientais Eli Junior Kroupi… et Layvin Kurzawa dans la hiérarchie des recours offensifs en équipe de France. Sauf qu’on parle là d’un avant-centre qui ne brille plus seulement dans cette Serie A peu visible en France mais aussi sur la scène la plus prestigieuse, la C1 (4 buts cette saison). Au point de quasiment marcher sur les traces de prime Karim Benzema 2022 dans l’enchaînement des actions décisives en phase éliminatoire de cette Ligue des champions.

Promis, ce tweet a réellement existé lors d'un France-Portugal de l'Euro 2024, et il n'a pas spécialement bien vieilli.
Promis, ce tweet a réellement existé lors d’un France-Portugal de l’Euro 2024, et il n’a pas spécialement bien vieilli. - Capture d’écran X

Avec à chaque tour un geste de très grande classe du numéro 9 intériste. Petit rappel des faits, décrypté par Gautier Palomba, qui participe au podcast La Beneamata, regroupant des passionnés de l’Inter.

  • 8e minute du 8e de finale retour contre Feyenoord (2-1) : Déjà premier buteur à l’aller (0-2) d’une volée « zlatanesque », Marcus élimine deux défenseurs sur le côté gauche de la surface néerlandaise avant d’enchaîner une mine du droit dans la lulu. Plus tard dans ce même match, il enrhume trois adversaires avant de fracasser la transversale. Tout simplement.

L’avis de Gautier Palomba : « On voit là-dessus qu’il est en pleine confiance et qu’il a une palette complète d’attaquant mature. Il effectue en général très peu de touches de balle mais il est capable d’étincelles, de gestes techniques très compliqués. Cette action est un peu devenue sa signature, quand on repense à son but le plus iconique pour son premier derby contre l’AC Milan. Ça en dit long sur la trajectoire de sa carrière ».

  • 38e minute du quart de finale aller Bayern-Inter (1-2) : Sur un bon centre de Carlos Augusto, notre Marcus a l’illumination absolue, à savoir une déviation géniale en talonnade pour Lautaro Martinez, situé comme par magie pile où il faut pour conclure d’un exter’ clinique. Arrivederci a tutti.

L’avis de Gautier Palomba : « C’est LA passe qui symbolise à quel point il s’est parfaitement inséré dans cette équipe aux circuits très travaillés. Il y a là intelligence de jeu et connaissance totale de ses coéquipiers. Ça me fait penser à cette talonnade de Guti pour Benzema. Beaucoup d’attaquants auraient tenté de marquer directement mais Marcus Thuram a un jeu vraiment généreux ».

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  • 30e seconde de la demi-finale aller à Barcelone (3-3) : Un centre de Denzel Dumfries et une Madjer géniale de Marcus Thuram, à 7 mètres, ça nous donne l’un des buts de la compétition (0-1). Idéal pour lancer l’orgiaque double confrontation contre le Barça. What else ?

L’avis de Gautier Palomba : « Il a un peu choqué tout le monde avec ce geste spectaculaire qui restera dans l’histoire. Ça montre que ce joueur est un peu zinzin et qu’il ne se prend pas trop au sérieux pour tenter ça si vite, sur un tel match, en revenant de blessure. En plus, je n’ai aucun autre souvenir de lui plaçant une Madjer dans ses deux saisons à l’Inter ».

Marcus a eu besoin de 33 matchs en L2 pour marquer

Ajoutez à cela un précieux travail de tous les instants dos au but, avec remises propres et duels gagnés, et vous tenez l’un des attaquants français les plus sous-cotés ever. Reste qu’une question majeure se pose : comment diable ce protagoniste +++ sur les rendez-vous chauds de Ligue des champions a-t-il pu attendre son 33e match de Ligue 2 pour enfin marquer un but chez les pros en avril 2017, soit à quasiment 20 piges ?

L’expérimenté défenseur central Florent Ogier (36 ans) a côtoyé le héros de la Coupe Gambardella 2015 à Sochaux. « On sentait à l’entraînement qu’il était le joueur le plus talentueux de notre équipe, il y avait du génie en lui, se souvient-il. Mais il ne passait pas ce cap en match. Il faisait de grosses différences individuelles mais il n’était pas encore régulier. »

Trouver une photo de Marcus Thuram fêtant un but sous le maillot sochalien n'a pas été une mince affaire.
Trouver une photo de Marcus Thuram fêtant un but sous le maillot sochalien n’a pas été une mince affaire. - J. Pachoud / AFP

« Il ne gagnait pas un duel aérien »

Entraîneur sochalien de 2015 à 2017, Albert Cartier utilisait Marcus Thuram dans un rôle d’ailier, comme ça sera aussi le cas pour lui à Guingamp (12 buts en 64 matchs de Ligue 1) puis au Borussia Mönchengladbach (0,3 but/match en Bundesliga de 2019 à 2023, contre un ratio de 0,4 en pointe en Serie A).

« Il se sentait plus à l’aise sur l’aile gauche pour faire des différences et des passes que face au but, confie Albert Cartier. A l’époque, il ne gagnait pas un duel aérien, il avait du mal à se libérer du marquage adverse et il marchait quand on perdait le ballon. On a donc dû énormément travailler. » Et malgré ce travail, l’ex-coach doubiste n’imaginait pas regarder un jour une finale de Ligue des champions avec Marcus Thuram titulaire.

« Il prenait tout à la rigolade »

« Je suis bluffé par son évolution, reconnaît-il. C’est impressionnant de le voir marquer autant dans des matchs de très haut niveau. A l’époque, on parlait de Ligue 2. Et encore, il n’était même pas titulaire dans mon esprit. Je suis heureux pour lui et admiratif en voyant tout son travail récompensé. » L’attaquant des Bleus n’a pas toujours été en phase avec cette image qui l’accompagne depuis le début dans les médias, à savoir celle d’un jeune joueur déterminé, aussi sérieux et mature que son padre.

Dottore Marcus, Mister Thuram.
Dottore Marcus, Mister Thuram. - Sofascore

Albert Cartier, qui le décrit comme « un garçon solaire et insouciant », l’avait même sermonné après l’avoir vu « se marrer dans le car à la suite d’une défaite avec Sochaux ». « Je lui avais expliqué qu’il fallait prendre sa carrière au sérieux. Il lui fallait de la stabilité, de la rigueur et de la réflexion », résume-t-il. Florent Ogier complète la description.

« Marcus était à la fois très intelligent et un peu foufou. Il aimait bien faire le con et il prenait tout à la rigolade. S’il manquait une reprise à l’entraînement, il se disait juste « tant pis » et souriait. C’était le style de Marcus, à la fois une force et une faiblesse. Je pense que c’était un compétiteur dans l’âme mais il ne le montrait pas. »

Lilian Thuram appuyait la rigueur du coach à l’égard du fiston

Lilian Thuram cherchait à lutter contre ce dilettentisme de son fils aîné, en réclamant régulièrement à Albert Cartier de « ne lui laisser aucune alternative ». Et côté quête de rigueur, Marcus était servi avec l’ancien défenseur messin. « Lorsqu’il rigolait après des ratés lors d’exercices devant le but, je me souviens que je lui répétais : « quand le sourire apparaît, l’ambition disparaît » », indique Albert Cartier.

Notre dossier sur Marcus Thuram

L’ambition ne se porte pas si mal chez Marcus Thuram version 27 ans, puisqu’il a l’opportunité ce samedi de remporter le Graal européen, après avoir raflé le premier titre de champion de sa carrière en 2024 (le Scudetto). « Son talent était indéniable, insiste Florent Ogier. J’ai connu peu de joueurs alliant comme lui qualités techniques et physiques en quinze ans de carrière pro. Mais de là à voir en lui un top buteur européen… » Car oui, n’en déplaise aux trolls sur les réseaux sociaux, c’est bien le statut actuel de cet ancien ailier en échec en Ligue 2.