Protoxyde d’azote : Détecter les défis chez les consommateurs.
Mercredi, trois jeunes ont perdu la vie après avoir perdu le contrôle de leur véhicule à Alès (Gard), avec des bombonnes de N2O retrouvées dans leur voiture. D’après une enquête Ipsos de la Fondation Vinci Autoroutes publiée en octobre, 6 % des moins de 25 ans ont déjà pris du protoxyde d’azote en conduisant.
Les accidents de la route liés à la consommation de protoxyde d’azote se multiplient. Mercredi, trois jeunes ont perdu la vie à Alès (Gard) après avoir perdu le contrôle de leur véhicule, dans lequel des bombonnes de N2O ont été retrouvées. Au début du mois, Mathis, 19 ans, a été tué à Lille par un conducteur sous l’influence de la même substance, souvent qualifiée de hilarante. Bien que le protoxyde d’azote soit reconnu comme une substance psychoactive, il n’est pas classé comme drogue et sa consommation est légale en France.
Cependant, la consommation de ce gaz au volant suscite de plus en plus d’inquiétude. Selon une enquête Ipsos réalisée pour la Fondation Vinci Autoroutes, 6 % des jeunes de moins de 25 ans ont déjà consommé du protoxyde d’azote en conduisant. En outre, 10 % des 16-24 ans estiment qu’il n’y a pas de risque à en inhaler au volant. Pourtant, ses effets euphorisants entraînent une perte de coordination, une diminution des réflexes et un allongement du temps de réaction. Toutefois, la problématique n’est pas seulement légale. Actuellement, aucun test de détection du N2O n’est homologué en raison de la difficulté à mesurer ce gaz.
Un gaz qui s’évapore vite
Contrairement à l’alcool, « le protoxyde d’azote ne reste que quelques dizaines de minutes dans le sang, et donc dans l’air expiré, avant d’être éliminé », explique le docteur Raphaël Denooz, toxicologue au CHU de Liège (Belgique). La fenêtre de détection est donc très étroite. « L’élimination étant principalement pulmonaire, mesurer le protoxyde d’azote dans l’air expiré est une méthode fiable pour détecter une consommation récente », considère Stanislas Grassin Delyle, professeur de pharmacologie à l’hôpital Foch à Paris.
Une étude réalisée aux Pays-Bas et publiée dans la revue Scientific Reports en janvier 2025 a testé un détecteur de N2O à travers l’air expiré en utilisant des radiations infrarouges sur vingt-quatre participants. Les résultats ont montré que peu importe si les participants avaient inhalé une ou deux doses, le N2O était détectable dans l’air expiré jusqu’à 60 minutes après.
Une variabilité selon le rythme et le volume respiratoires
Cependant, la détection par expiration présente des limites. Elle dépend du rythme respiratoire et du volume d’air expiré. Une étude publiée en 1993 dans le British Journal of Anaesthesia a montré qu’en cas d’hypoventilation, la taux de détectabilité du protoxyde augmentait plus lentement. « Si les consommateurs réalisent qu’en respirant plus rapidement, ils éliminent le gaz plus vite, le test perdrait tout son intérêt », fait remarquer le docteur Guillaume Grzych, biologiste au CHU de Lille et président du réseau Protoside.
Dans l’étude néerlandaise de 2025, il a été observé que les résultats variaient en fonction du volume, du rythme et de la profondeur de la respiration des personnes testées. Les auteurs concluent qu’une mesure ponctuelle après inhalation ne permet pas d’établir de manière fiable une « imprégnation ».
Un seuil de détection indéterminé
À l’heure actuelle, aucun détecteur de N2O n’a reçu d’homologation. Cela s’explique par le fait que « avant qu’un test ne soit homologué, il faut considérer la spécificité et la sensibilité du dosage de la substance », rappelle la docteure Anne Batisse, pharmacologue à Paris. La sensibilité permet de définir un seuil chiffré à partir duquel la conduite est jugée dangereuse. « La détection ne signifie pas nécessairement qu’il y a un risque », souligne la pharmacologue. En effet, si une personne a inhalé le gaz plusieurs heures auparavant sans ressentir d’effets, l’intérêt du test est limité.
Comme le souligne la docteure Batisse, « le test doit également être spécifique au protoxyde d’azote », afin qu’il n’y ait pas de confusion avec d’autres substances qui pourraient donner un résultat positif bien que la personne n’ait pas consommé. « Des faux positifs peuvent être causés par des infections bactériennes », illustre le professeur Grassin Delyle.
Peu de moyens
L’entreprise française Olythe a développé un détecteur de protoxyde d’azote appelé OCIN2O, qui ressemble à un éthylotest. En soufflant dans un stylo utilisant une technologie de spectroscopie infrarouge miniaturisée, le conducteur obtiendrait un résultat positif ou négatif. « Notre test est capable de détecter le protoxyde d’azote jusqu’à quatre heures après inhalation », affirme Guillaume Nesa, fondateur d’Olythe. Cependant, aucune étude scientifique n’a encore été publiée sur ce produit, la recherche néerlandaise ayant été réalisée avec un autre détecteur.
« La difficulté à détecter le protoxyde d’azote incite malheureusement certains usagers à l’utiliser en connaissance de cause, ce qui est problématique. Mais nous ne pouvons pas lancer un détecteur sans preuves scientifiques », rappelle la docteure Batisse. Malgré cela, elle se dit favorable à l’utilisation de ce type de test « en prévention », car pour l’instant, « il n’y a pas de sanctions contre l’usager ».
Guillaume Grzych du CHU de Lille déplore que les autorités aient mis tant de temps à prendre conscience de ce problème. « J’ai tiré la sonnette d’alarme dès mes premiers patients en 2021, mais j’ai mis cinq ans à obtenir des financements pour mes recherches. » Il travaille actuellement sur un projet pour identifier les biomarqueurs du protoxyde d’azote dans le sang. Plusieurs laboratoires s’efforcent également de développer des détecteurs de N2O, il s’agit donc d’une question de temps.

