Procès Pogba : Coupable ou marionnette ? Mathias Pogba livre sa vérité et admet avoir « merdé »
Au tribunal correctionnel de Paris,
Les yeux écarquillés, la bouche ouverte et la langue pendante, voilà à peu de chose près ce à quoi ont dû ressembler celles et ceux qui ont découvert, un beau jour d’août 2022, la première vidéo de Mathias Pogba, qui menaçait son frère Paul de livrer des « révélations fracassantes » dans le but de nuire à sa carrière. A cette époque, personne n’avait encore conscience de ce que venait de traverser La Pioche, braquée avec des armes lourdes quatre mois plus tôt dans un banal appartement de Seine-et-Marne, et cette vidéo constituait alors le point de départ de l’affaire Pogba.
A chaud, difficile de ne pas y voir là un gros pétage de câble du grand frère, jaloux de la réussite du petit dernier, lui dont la carrière de footballeur avait pris une tout autre tournure, faite de blessures et vagabondage aux quatre coins de l’Europe dans des clubs de seconde zone. Une théorie très vite balayée après la plainte de Paul Pogba et la nouvelle de son braquage en bande organisée. Ce qu’a confirmé mardi l’audition du grand frère de la star française, interrogée pendant près de cinq heures.
Mathias Pogba embarqué de force dans cette affaire
Initialement absent du scénario, celui-ci va prendre le train en marche en apprenant, le 13 juillet 2022, de la bouche de Roushdane K., notre cerveau présumé, au détour d’une rencontre impromptue dans une salle de sport, le drame qui s’est noué dans l’appartement de Montévrain. « Roush me dit qu’ils se sont fait braquer, qu’ils sont tous victimes, qu’il s’est porté garant pour mon frère mais qu’il n’a plus de nouvelle de lui. Il me dit qu’on est tous en danger », relate Mathias Pogba, costard noir et pompes à glands, à la barre.
Sans réfléchir, il décide alors de filer à Turin pour connaître la version de son frère, et d’embarquer toute la clique (Roushdane et Machilour K, Boubacar C. et Mamadou M.) avec lui pour « mettre les choses sur la table, tous ensemble ». Face au refus de Pogba de les rencontrer, malgré les messages plus que pressants que son frère lui envoie depuis l’extérieur du centre d’entraînement de la Juve, la bande n’a d’autres choix que de faire demi-tour et de rentrer à Paris.
C’est cette visite inopinée qui convaincra finalement le joueur de porter plainte. La présence de Roushdane K., que Pogba soupçonne d’être lié au braquage, l’inquiète et le pousse à porter l’affaire en justice. Quinze jours plus tard, à la fin du mois de juillet, Mathias Pogba se fera à son tour menacer d’une arme par deux hommes cagoulés, dans d’étranges circonstances, après que Roushdane K., encore lui, lui a donné rendez-vous à Roissy-en-Brie, d’où tous les potes sont issus.
« Dis à ton frère de payer, dis à ton frère de payer, lui conseillent les deux hommes. Sinon la prochaine étape c’est Sandenis (là où vit alors la mère des Pogba) ». « J’étais terrorisé, j’ai compris qu’ils allaient s’en prendre à notre mère si Paul ne payait pas », raconte Mathias Pogba.
« Je ne réfléchis plus correctement »
C’est à ce moment-là, dit-il, blessé que son frère l’ait laissé en plan aux grilles de la Juve, refusant de le voir, qu’il a l’idée de tourner les vidéos. Et la présidente de lui poser la question que tout le monde se pose : « En quoi faire une vidéo pour dire que votre frère n’est pas celui qu’on croit pouvait-il aider à résoudre ce problème ? ». Le garçon reste coi, interdit.
« J’avais tout tenté pour joindre Paul mais il ne voulait pas me répondre, il savait qu’on était tous en danger s’il ne payait pas, son agente (Rafaela Pimenta) n’a pas voulu m’entendre non plus… J’étais en choc émotionnel, à ce moment-là ce n’est plus Mathias Pogba. Sur le moment je me dis que c’est la seule issue pour le faire réagir », rembobine-t-il. Rendez-vous est donc pris chez le père de Roushdane K., encore lui, en Normandie, pour tourner ce court métrage à pleurer.
On apprend de la bouche de Mathias Pogba que le matériel servant à tourner les vidéos ne lui appartient pas et que c’est un ami de « Roush Le Rouge » qui se dévoue pour rédiger le script. « A ce moment-là, c’est devenu personnel entre moi et Paul. Je ne réfléchis plus correctement. Tout ce qui me passe par la tête, je le fais », résume le frère du champion du monde.
L’envie de passer à autre chose
Contrairement au reste de l’affaire et aux cas des cinq autres prévenus, celui de Mathias Pogba ne devrait pas poser beaucoup de problèmes au tribunal. Embarqué bien malgré lui dans une affaire qui le dépasse, menacé physiquement dans le but de faire cracher son frère, celui-ci ressemble bien à une « marionnette », comme il se décrivait avant le début du procès. Si l’exhumation de certaines notes – supprimées par la suite – peu amènes à l’égard de son petit frère, à qui il a pu reprocher certaines choses à l’époque, a pu faire tiquer les deux procureures, celles-ci n’ont pas semblé vouloir charger la barque.
« Je n’ai jamais été envieux ni jaloux de mon frère, j’ai toujours été fier de lui, se défend-il. Je regrette ces vidéos, je suis triste car on ne peut pas revenir en arrière. J’ai merdé. » Il n’a désormais qu’un seul souhait, celui de « mettre cette affaire derrière » lui et de « repartir sur de nouvelles et de belles aventures, tous ensemble, en famille ». Depuis le banc où elle prend place chaque jour dans le public, Yeo Moriba, la maman de la fratrie, acquiesce en silence. Plus que quelques jours l’affaire sera bel et bien derrière eux.