Procès Le Scouarnec : « Voyeurisme un peu malsain »… Pourquoi le public est si fasciné par les débats ?

A la cour criminelle du Morbihan, à Vannes,
Il n’est pas encore midi qu’une petite file d’attente se forme déjà devant les locaux de l’ancienne faculté de droit à Vannes (Morbihan). C’est sur ce site de « déport » que sont retransmis les débats du procès Le Scouarnec qui se tient depuis le 25 février à quelques dizaines de mètres de là, dans l’enceinte d’un tribunal judiciaire bien trop petit pour accueillir tous les acteurs de cette affaire hors normes. Sur l’ancien site universitaire, un amphithéâtre a été mis à disposition pour permettre aux nombreuses parties civiles et à leurs avocats d’assister aux débats. Juste à côté, une autre salle est dédiée à la presse et une autre au public.
Et depuis l’ouverture du procès du pire pédocriminel jamais jugé en France, cette dernière ne désemplit pas. « C’est tout le temps plein et même jusque très tard », confirme le personnel judiciaire chargé de l’organisation. Ce mercredi midi, Emmanuel et Gwen attendent patiemment dans la queue le début des débats, fixé chaque jour à 13 heures. « On est venus tôt pour être sûrs d’avoir une place dans la salle », indiquent-ils. Comme ce jeune couple des environs de Vannes, le procès Le Scouarnec attire les curieux. Dont beaucoup de retraités, majoritairement des femmes, venus plonger dans l’horreur.
« Un personnage « exceptionnel » dans le mal qu’il fait »
« C’est atroce de dire ça mais c’est quand même un événement, une affaire qui sort tellement de l’ordinaire » indique Anne, qui a déjà prévu de revenir plusieurs fois jusqu’à la fin du procès prévue début juin. « On ne voit ça que dans les films, ça rend accro cette affaire », poursuit celle qui lit tout ce qu’elle trouve sur le procès. Elisabeth assume aussi sa part de « voyeurisme un peu malsain » à assister aux audiences. « Qu’on le veuille ou non, Le Scouarnec est un personnage « exceptionnel » dans le mal qu’il fait et je voudrais comprendre comment un être humain en arrive à commettre de telles atrocités tout en ayant une vie normale à côté », souligne cette retraitée vannetaise.
Beaucoup comme elle veulent également « tenter de comprendre » l’innommable. « Le fait de l’écouter et de le voir m’aidera peut-être à comprendre même si je ne suis pas sûre qu’on puisse comprendre, assure Claudine. Le pire dans tout ça, c’est qu’on ne voit pas un monstre dans le box mais un papi qu’on pourrait croiser dans la rue. Et les victimes pourraient être nos enfants. » Avant d’ajouter : « L’âme humaine est quand même bizarre. »
« Il ne pourra pas être pardonné »
Croisées sur le parking de l’ancienne fac de droit, Marie et Madeleine échangent avant de rentrer dans la salle sur les aveux de l’accusé et sur ses excuses systématiques à l’égard des victimes. « De toute façon, il ne pourra pas être pardonné et on ne pourra pas revenir en arrière malheureusement, le mal est fait », assure l’une d’elles. « Mais ses aveux sont peut-être sincères après tout, lui répond son amie. Il a peut-être besoin de soulager sa conscience et ça peut faire du bien à certaines victimes. C’est toujours mieux que de nier. »
Habituée des tribunaux et présente pour « la quatrième » fois au procès Le Scouarnec, Marie reconnaît que l’affaire est glaçante. Et le procès tout autant. « Quand il a avoué l’autre jour à son fils qu’il avait agressé sa petite-fille, j’ai senti que toute la salle se figeait, c’était vraiment difficile », avoue-t-elle.
Voir comment se déroule un procès
Dans le public, on retrouve également sans trop de surprise des étudiants en droit. Mais aussi des jeunes et moins jeunes venus voir comment se déroule un procès. « A moins d’y avoir été confronté, on ne connaît pas le monde de la justice qui est un monde à part, indique Pauline, la vingtaine. Cela me permet de voir comment ça fonctionne, de comprendre qui sont les acteurs d’un procès et comment se passent les interrogatoires. L’affaire est absolument atroce mais je ne regrette pas d’y assister. On devrait d’ailleurs être mieux éduqué à la justice. »
Nos articles sur le procès Le Scouarnec
Le procès de Joël Le Scouarnec a repris ce lundi après-midi avec l’audition de l’ancien directeur de la clinique Vannes où l’ex-chirurgien a sévi plusieurs années et d’une de ses nombreuses victimes. Jugé pendant quatre mois devant la cour criminelle du Morbihan, Joël Le Scouarnec encourt la peine maximale de vingt ans de prison.