Procès Le Scouarnec : Pourquoi l’ancien chirurgien changeait-il aussi souvent d’hôpitaux et de cliniques ?

A la cour criminelle du Morbihan, à Vannes,
Il a exercé près de trente-cinq ans comme chirurgien jusqu’à son arrestation à Jonzac (Charente-Maritime), après la plainte d’une petite voisine. De 1983 à 2017, Joël Le Scouarnec a eu la bougeotte, travaillant dans de nombreux hôpitaux et cliniques de l’ouest de la France. Un parcours professionnel que la cour a détaillé ce mardi matin et qui l’a vu passer par Vannes, Lorient, Quimperlé, Pontivy ou bien encore Ancenis. Mais tout a commencé à Loches au début des années 1980. Spécialisé dans la chirurgie viscérale, il démarre alors sa carrière dans la clinique de cette petite ville d’Indre-et-Loire avant de rapidement s’associer à deux confrères.
Celui qui s’est « toujours intéressé à la biologie » passe alors la plupart de ses journées à opérer, principalement pour des appendicites, des hernies discales ou des pathologies du côlon. Il assure que la majorité de ses patients étaient « essentiellement des adultes », même s’il lui arrivait aussi d’opérer des enfants. Et qu’il était « la plupart du temps avec une infirmière » quand il leur rendait visite dans leur chambre. « Il m’arrivait parfois d’aller voir des patients seul, mais c’était exceptionnel », témoigne-t-il.
Un départ précipité de Loches qui interroge
Voilà pour son quotidien de chirurgien, perçu par ses collègues comme « pas forcément brillant, pas forcément médiocre, dans la moyenne », selon ses aveux. Après onze ans passés à Loches, alors qu’il jouit d’une situation confortable, Joël Le Scouarnec décide pourtant de rompre son contrat et de quitter précipitamment la clinique. Un départ soudain qui surprend beaucoup, même dans son entourage qui y voit « une fuite inexpliquée ». « J’ai fini par être excédé par les rapports que je pouvais avoir avec des confrères, notamment l’un d’eux. J’avais le sentiment qu’il cherchait à me dominer. A un moment, je me suis dit « ça suffit » et je suis parti », justifie-t-il d’une voix posée à la barre.
« Et y a-t-il d’autres raisons d’avoir quitté Loches ? », l’interroge la présidente, Aude Buresi. Elle précise sa pensée : « 1994, c’est l’année de votre départ, mais c’est aussi l’année pour laquelle on n’a pas retrouvé de carnets ». L’accusé reste impassible, assurant que son départ n’était en aucun cas lié à d’éventuels soupçons de pédophilie le visant. « Je n’avais aucune raison de vouloir changer d’établissement pour ces raisons-là. Car à aucun moment, je n’ai pensé que quelqu’un était au courant de quoi que ce soit ». Il rejoint ensuite la Bretagne, exerçant dans une clinique à Vannes, qu’il quitte là encore soudainement, puis dans les hôpitaux de Lorient et Quimperlé. Tout en enchaînant dans le même temps les remplacements dans d’autres établissements.
« Le bon chirurgien et le mauvais pédophile »
« Votre parcours professionnel semble dicté par une quête de « diversification » pour trouver de nouveaux patients et de nouvelles victimes, lui lance l’avocat général. C’est pour brouiller les pistes que vous changez autant d’endroits ? Pour éviter d’attirer l’attention ? » La présidente appuie aussi sur le fait qu’il n’ait travaillé que dans de petites structures. « Parce qu’elles étaient moins organisées dans leur procédure de contrôle et moins regardantes ? », lui demande-t-elle.
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« Absolument pas, j’ai toujours préféré travailler dans des petites structures », indique l’accusé. Avant d’assurer que la pédophilie n’avait « jamais dicté » le choix des endroits où il a travaillé. Et n’a jamais, non plus, « interféré » dans l’exercice de son métier. « Il faut donc dissocier le bon chirurgien du mauvais pédophile ? », lui demande alors la présidente. « Oui, répond l’accusé. Mon activité professionnelle était une chose et mon activité pédophile était une autre ». Il n’y avait donc aucune « interférence », selon lui. « Hormis le fait que j’ai profité de mon statut pour commettre des agressions sexuelles sur des patients », finit-il par reconnaître.
Ce mardi après-midi, Joël Le Scouarnec doit être entendu sur les faits et sur les carnets retrouvés à son domicile qui avaient précipité sa fin de carrière. Et son parcours de prédateur.