France

Procès Le Scouarnec : « Je ne m’en souviens pas »… Les victimes confrontées à « la mémoire sélective » de leur bourreau

A la cour criminelle du Morbihan, à Vannes,

Il répète à l’envi depuis l’ouverture de son procès que c’en est « fini du mensonge », reconnaissant qu’il a bien été « un violeur d’enfants ». Jugé depuis plus de deux semaines devant la cour criminelle du Morbihan, Joël Le Scouarnec semble enfin dans une démarche de « vérité » qu’il doit, selon lui, à ses innombrables victimes qu’il a agressées et violées en toute impunité pendant plus de trente ans. « Aujourd’hui, je me sens prêt à reconnaître certains faits de viols que j’ai voulu cacher, nier », assure-t-il, voulant « répondre au plus de questions possibles, même si certaines resteront sans réponses. »

Et elles sont nombreuses les interrogations auxquelles le pire pédocriminel jamais jugé en France ne peut répondre. « Je ne m’en souviens pas » ou « je ne sais pas », répète-t-il chaque jour inlassablement. De son enfance, l’ex-chirurgien de 74 ans n’a d’ailleurs gardé aucun souvenir sans qu’il ne sache trop pourquoi. « Cela pourrait-il être une occultation liée à un quelconque traumatisme ? », lui demande la présidente Aude Buresi. « Je n’ai jamais rien trouvé dans mon passé qui laisse penser que ça puisse expliquer mon comportement », répond-il.

Ses proches évoquent son excellente mémoire

Sur les infidélités supposées de son ex-épouse, Joël Le Scouarnec ne se rappelle de rien là non plus. « Je ne l’exclus pas, c’est possible, mais je n’ai pas conservé ça en mémoire », réagit l’accusé, tout penaud dans son box. Des trous de mémoire qui interrogent dans la salle d’audience et agacent les avocats des parties civiles. Car de l’aveu même de ses proches, l’ancien docteur, adepte des listes en tout genre (livres, films, opéras), a une excellente mémoire. « J’ai une mémoire sélective », rétorque l’accusé, plus intéressé par l’apprentissage des sciences, de la médecine ou de l’histoire que par « les choses de la vie quotidienne » ou les relations sociales. « Mais ça ne veut pas dire que je veux oublier les faits que j’ai commis », ajoute-t-il.

Sur les viols et agressions sexuelles sur 299 patients, la plupart mineurs, dont on l’accuse, le monstre à blouse blanche semble pourtant être frappé d’amnésie. Comme quand on l’interroge sur le nom de ses victimes, dont beaucoup n’ont aucun souvenir non plus de ce qu’elles ont subi. « C’est terrible pour toutes ces victimes mais hormis un tout petit nombre, je ne me rappelle pas d’elles, lâche-t-il froidement à la barre. C’était très souvent un acte furtif que je ne gardais pas en mémoire. Je le notais dans mes carnets, satisfait de l’avoir fait, et je passais à une autre victime. C’est absolument épouvantable. »

« Si c’est écrit, c’est que cela a dû arriver »

Durant ses longues années où il a sévi dans plusieurs hôpitaux et cliniques de l’ouest de la France, l’ex-chirurgien consignait tous ses abominables crimes dans des carnets noirs découverts en 2017 lors de son interpellation à Jonzac (Charente-Maritime). Des écrits insoutenables dont il avait jusque-là mis en doute la véracité, indiquant que cela relevait plus du fantasme et qu’ils étaient exagérés. « Mais si c’est écrit, c’est que cela a vraisemblablement dû arriver, concède-t-il aujourd’hui. J’étais tellement possédé par le désir d’écrire qu’il est peu probable s’il s’est passé quelque chose que ce ne soit pas écrit. »

Devant les enquêteurs, plongés dans l’horreur de ses journaux intimes, Joël Le Scouarnec était d’ailleurs « tombé des nues » en découvrant l’ampleur des atrocités inscrites noir sur blanc. « Je ne pensais pas que c’était si important », témoigne celui qui s’autoproclamait « le plus grand pervers du monde ». Un enquêteur, appelé à la barre lors de la première semaine du procès, a d’ailleurs tenu à prévenir la cour qu’il est « impossible qu’il se souvienne de tout ce qu’il a fait » en raison « des dates des faits et du nombre de faits et de victimes. »

« Il est possible qu’il y ait des personnes qui l’ignorent »

Avec en filigrane cette question, terrible, du nombre réel de victimes dont le pédocriminel a abusées. Quand la présidente l’interroge sur l’absence de « journaux intimes » entre juillet 1993 et mai 1996, qu’il a vraisemblablement détruits, Joël Le Scouarnec bute encore sur sa mémoire défaillante. Avant de livrer cette confession glaçante : « Si j’ai commis des actes sur cette période-là, il est possible qu’il y ait des personnes qui l’ignorent. »

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Le procès de Joël Le Scouarnec doit durer pendant quatre mois devant la cour criminelle du Morbihan à Vannes. L’ex-chirurgien encourt la peine maximale de vingt ans de prison.