Procès Le Scouarnec : « Invisibilisées », les victimes de l’ex-chirurgien dénoncent « le silence » des politiques
A la cour criminelle du Morbihan, à Vannes
Elles ont terminé leur prise de parole en formant un cercle devant l’entrée du tribunal de Vannes, se serrant dans les bras avant de crier d’une seule et même voix : « Plus jamais ça ! ». Sur les marches, une vingtaine de pancartes et de banderoles pour dire « Stop au déni », « L’impunité, c’est fini » ou « Joël aux grandes oreilles, t’es un camion-poubelle ». Alors que démarre l’avant-dernière semaine du procès de Joël Le Scouarnec devant la cour criminelle du Morbihan, une quinzaine de victimes de l’ex-chirurgien sont sorties du silence ce lundi matin, juste avant l’ouverture des débats.

Réunies au sein d’un collectif, elles dénoncent justement « le silence » des politiques, du monde médical et de la société au sens large autour de ce procès qui n’a provoqué « aucune indignation collective. » « On nous avait promis le procès du siècle et il n’y a pas eu une seule annonce politique. Pas une seule réforme qui n’a été prise depuis l’ouverture », déplore Manon, l’une des victimes de l’ex-chirurgien. Contrairement par exemple à l’affaire Bétharram, où une commission d’enquête parlementaire a aussitôt été diligentée après la révélation du scandale. « Si le monde politique s’est emparé de Bétharram, le silence est quasi complet sur Le Scouarnec, il ne mobilise pas », souligne Solène Podevin-Favre, codirectrice de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise).
« Ce procès doit être un point de bascule »
Manon avance à cela plusieurs raisons : « C’est une affaire du passé, les victimes sont trop nombreuses et la cause des enfants importe peu. » Depuis l’ouverture du procès fin février, les victimes estiment d’ailleurs avoir été « reléguées au second plan » dans une salle déportée, « spectatrices de notre procès » et « invisibilisées. » « On a l’impression que notre souffrance semble peser moins que d’autres », indique Emmanuelle.
Alors pour « que cette affaire historique ne se termine pas dans le silence comme elle a commencé », certaines victimes du chirurgien pédophile ont décidé d’agir. « Ce procès ne doit pas être une parenthèse mais un point de bascule pour que cela ne se reproduise pas », témoigne Gabriel, évoquant « un laboratoire des failles systémiques de notre pays. »
Une lettre adressée aux ministères
La semaine dernière, les victimes de Joël Le Scouarnec ont pris la plume dans une lettre ouverte adressée aux ministres de la Santé et de la Justice et à la Haut-Commissaire à l’Enfance. Elles réclament entre autres la création d’une commission interministérielle, un meilleur accompagnement des victimes de violences sexuelles avec la mise en place « d’une véritable cellule d’écoute psychologique » ou « l’interdiction d’exercer toute profession de santé pour les personnes condamnées pour violences sexuelles. » Mais aussi « l’augmentation de la peine plancher à trente ans », contre vingt actuellement, et « la reconnaissance de la sérialité des faits comme facteur aggravant ». « C’est la même peine pour un viol que pour cent, mille, et cela n’est pas entendable », assure Gabriel.
Notre dossier sur le procès Le Scouarnec
Présente en marge de la mobilisation, Sandrine Josso est venue apporter son soutien aux victimes. « Toutes ces affaires de violences sexuelles sont abominables et tout cela s’additionne, c’est un véritable rouleau compresseur », indique la députée MoDem de Loire-Atlantique, qui a remis il y a quelques jours un rapport parlementaire sur la soumission chimique. « Beaucoup de recommandations demandées par les victimes sont déjà écrites noir sur blanc dans le rapport de ma mission », poursuit-elle, se félicitant que « les mentalités bougent dans l’opinion publique. »
Ce lundi après-midi, plusieurs représentants locaux de l’Ordre des médecins, une institution sous le feu des critiques depuis l’ouverture du procès, doivent être entendus par la cour.