Procès Le Scouarnec : Cette immonde crasse dans laquelle le chirurgien vivait à Jonzac
A la cour d’assises du Morbihan, à Vannes
Il se décrivait lui-même comme « le plus grand pervers du monde ». A la lecture de ses abominables récits, les enquêteurs ont dû se dire qu’il avait raison. Les gendarmes confrontés aux carnets de Joël Le Scouarnec ont souvent blêmi, pleuré, parfois même vomi tant le contenu des écrits était insoutenable. Pédocriminel détraqué mais « responsable de ses actes », selon des psychiatres, l’ancien chirurgien a sans doute atteint l’apothéose du crade lorsqu’il a terminé sa carrière à Jonzac. Arrivé en 2008 dans ce centre hospitalier de Charente, le médecin viscéral vivait alors dans une crasse immonde que nous allons tenter de vous décrire. Pas par gratuité, mais pour interroger ceux qui travaillaient avec lui et le peu de gens qui le côtoyaient.
Comment un chirurgien adepte de la scatophilie, de la zoophilie et qui refusait de se laver a-t-il pu continuer à exercer dans un bloc opératoire, espace aseptisé par nécessité ? Comment un homme dont le père était hyper maniaque a pu tomber dans une telle vie dépravée ? Et comment un médecin qui buvait un demi-litre de whisky par jour a-t-il pu continuer à opérer ? La cour criminelle pourrait être tentée de poser la question aux soignants qui seront entendus à partir de ce jeudi.
Les images de la maison lors de son arrestation
Les images du logement du chirurgien de 74 ans semblent tout droit tirées d’un film d’horreur. Dans la salle d’audience du tribunal de Vannes, la présidente Aude Buresi avait prévenu le public et les parties civiles qu’elles pouvaient sortir. Peu l’avaient fait. Les autres découvraient avec effroi le grand délabrement dans lequel le chirurgien vivait à Jonzac. C’est cette maison qui a été perquisitionnée en mai 2017, quand Joël Le Scouarnec a été arrêté. Les images prises par les gendarmes donnent une vague idée de l’abjecte vie que le médecin menait à cette époque. On a l’avantage de ne pas avoir l’odeur.
Sur l’écran de la salle d’audience, on peut voir des photos de lui nu, des cartons avec des poupées qui dépassent ou encore un poupon abandonné dans un sac dans un couloir. Partout, on voit des ordinateurs, des télés connectées à des disques durs, des clés USB qui traînent. « Une voisine avait témoigné que son voisin était tellement flippant et glauque qu’elle ne sortait plus dans son jardin », détaillait un enquêteur. A la vision de son ancienne maison, Joël Le Scouarnec lui-même s’était caché les yeux. Un espace dans lequel le vieux médecin s’était réfugié après son départ de Quimperlé (Finistère).
Une liste de ses éjaculations
Joël Le Scouarnec est alors séparé de sa femme Marie-France et vit seul dans une maison décrépie. Pas banal pour un médecin qui gagne plus de 5.000 euros par mois. « C’était sombre, pas propre et mal rangé », décrivait son fils Florian. Son autre fils Fabien évoquait « un certain laisser-aller », avant de poursuivre. « Il fumait dans la maison. Les rideaux restaient fermés, il y avait de la poussière partout, des toiles d’araignée. Il était en dépression. Il buvait jusqu’à ne plus savoir ». Renan était le dernier de ses trois fils à lui avoir rendu visite. « Sa maison, c’était sa bulle quand il rentrait du travail. Il était enfermé dans son vice et sa perversion. Son logement était à l’image de son esprit ». En 2017, l’avocate du chirurgien avait refusé de pénétrer dans la maison.

A cette période, le chirurgien commence à se mettre en scène. Nu dans son jardin, avec des poupées, lors de séances sadomasochistes ou scatophiles. Il porte alors des perruques, des culottes d’enfant et même une couche. Il en fait des photos, il écrit tout. Il cultive une véritable vénération pour la masturbation. Dans un carnet, il mentionne même le nombre de fois par jour où il éjacule, pour une moyenne de 400 fois par mois. Il évoque également des actes zoophiles sur ses chiens, mais également sur un chat. Des fellations, des pénétrations. Là encore, le médecin prend plaisir à en faire des images que les enquêteurs ont découvertes avec effroi. Et ce n’est pas fini. « Il évoquait avoir de moins en moins d’hygiène corporelle, appréciant notamment la saleté s’accumulant au niveau de son sexe, qu’il pouvait « déguster » », note un gendarme. On parle d’un homme qui ne se douche plus qu’une fois tous les deux, trois, voire six mois. « Un condensé de perversions », a fait savoir un expert psychologue qui l’a rencontré en détention.
Notre dossier sur le procès Le Scouarnec
Devenu scatophile, Joël Le Scouarnec s’enduit le corps d’urine. Il cuisine ses excréments et emporte parfois ses « plats » à l’hôpital, dans l’espoir que quelqu’un ose les goûter. Certains le feront. A cette époque, le chirurgien passe sa vie au bloc. La semaine, il opère à Jonzac, le week-end, il fait des remplacements à Ancenis (Loire-Atlantique). Ses collègues décrivent un homme « banal » qui ne parle jamais de sa vie privée. Plusieurs notent que son hygiène se dégrade dangereusement. Une infirmière évoque des plaintes concernant « l’hygiène peu soignée » du chirurgien, qui se présente en salle d’opération « les cheveux gras et sentant fort la transpiration ». « Son hygiène laissait à désirer », ajoute une autre. Mais personne ne se doute rien. Et tout le monde tombe de haut en découvrant l’homme qu’il est vraiment.

A son arrivée à Jonzac en 2008, le chirurgien viscéral avait pourtant fait mention de sa condamnation pour détention d’images pédopornographiques prononcée trois ans plus tôt. La directrice de l’époque le savait et n’avait pris aucune disposition particulière au motif qu’il « n’y avait pas eu d’agression physique ». En 2015, Joël Le Scouarnec avait sollicité une prolongation de son activité au-delà de sa limite d’âge. Elle lui avait été accordée, sur recommandation de plusieurs hauts placés de l’hôpital. Ces mêmes personnes qui seront interrogées pendant deux jours, juste avant que les dernières parties civiles de ce procès-fleuve ne viennent témoigner.
Au moins vingt et une personnes ont été agressées sexuellement par le médecin quand il exerçait à Jonzac et Ancenis, sur les presque 300 victimes que compte ce procès. Sans compter les quatre fillettes pour lesquelles les faits ont été jugés en 2020. L’accusé avait écopé de quinze années de prison. A Vannes, le procès doit s’achever le 28 mai.