France

Procès Gérard Depardieu : Avec son « regard de fou », « il m’a terrifiée et ça l’amusait », confie l’une des plaignantes

Malgré son imposante silhouette, Gérard Depardieu semble vouloir se faire plus discret que sur les plateaux de tournage. Ces lieux de travail où il n’hésite pas à multiplier les « grossièretés » pour détendre l’atmosphère quand elle est tendue. Il concède, d’une petite voix qui ne ressemble pas à celle de l’acteur tonitruant que le public connaît, que ça peut lui arriver de lancer des phrases comme « Chatte, chatte allons-y, parce que je mouille… » « Je trouve ça drôle. Je suis sur mon cube [de machino], il fait chaud, je fais 150 kg, je suis de mauvaise humeur… », contextualise-t-il.

Niant avoir agressé sexuellement Amélie et Sarah [le prénom a été modifié] qui l’accusent d’attouchements sur le tournage du film Les Volets verts, l’acteur livre sa propre version des faits. « Je ne suis pas un frotteur dans le métro », « je ne suis pas Emile Louis », s’insurge-t-il. Une « dernière version toute récente, qui m’amuse un peu, qui m’a redonné le courage de parler », commence la plaignante de 54 ans, à son tour à la barre, dénonçant une version « évidemment totalement fausse ».

Amélie est décoratrice ensemblière sur le tournage du film de Jean Becker. Elle est heureuse, elle est fière de son travail, elle se targue d’avoir reçu des compliments de son chef, du réalisateur et « même de madame Fanny Ardant » sur les décors du film. Elle « s’amuse », jusqu’au jour, le 10 septembre 2021, où ça bascule, le jour des faits « tout s’effondre pour moi, intérieurement ».

Le malaise avant le contact physique

Elle se souvient d’un comédien turbulent, agacé, bruyant sur un plateau où il fallait être silencieux. Elle comprend qu’on lui assigne le rôle de « l’occuper », de le calmer. Ils discutent alors des décors, notamment d’un tableau, qu’ils s’accusent mutuellement d’avoir qualifié de « croûte ». Peu importe.

« « Je ne peux même plus bander avec cette chaleur » »

La décoratrice est rapidement mal à l’aise quand le comédien fait des commentaires sexuels lui confiant qu’il ne peut « même plus bander avec cette chaleur ». Elle ne sait plus comment réagir, tente de faire de l’humour, Gérard Depardieu continue ses allusions, ses « cochonneries ». Gênée, elle tente de s’éloigner, se réfugie dans son téléphone, dans son travail, elle recherche des parasols pour la suite du tournage. Elle tente de changer de sujet mais « à chaque fois qu’on lui parle de quelque chose il dérape, il dit des choses à caractère sexuel comme : « Je sais faire jouir les femmes sans les toucher » », raconte Amélie avec aplomb, sans trembler, à la barre.

« Clac, il referme ses jambes, il m’attrape par la taille »

Après un moment de répit, quand l’acteur part faire une scène puis revient. C’est là que les gestes se mêlent à la parole. Interpellée par le monstre encore sacré du cinéma, elle se sent obligée de s’arrêter. « A ce moment-là, clac, il referme ses jambes, il m’attrape par la taille, les hanches, il me coince avec ses jambes, il a beaucoup de force, et il malaxe mon ventre derrière, autour, il remonte. Il me tient. Je comprends qu’il a vachement de force. Je suis déstabilisée. Je me sens vraiment maintenue. Il me dit, avec son gros visage en face de moi, ses yeux rouges, très énervé, très exécuté, « viens toucher mon gros parasol je vais te le foutre dans la chatte », avec une tête de fou, un regard de fou », déballe-t-elle à la barre.

Si elle parvient finalement à s’extirper, c’est grâce à l’intervention de personnes extérieures. Elle ne se souvient pas qui, combien. Mais elle se rappelle être « pétrifiée, sidérée, stupéfaite » et avoir ce flash du comédien la menaçant : « On se reverra ma chérie. » Pour Gérard Depardieu, elle peut être « sidérée » du « savon » que l’acteur lui a passé. « Je ne peux pas vous dire pourquoi elle invente, je ne suis pas psychologue, elle était peut-être choquée des reproches sur son travail […] Je crois volontiers qu’elle soit suffoquée de cette agression verbale mais certainement pas sexuelle », se défend difficilement l’acteur.

Parler pour ne pas être « complice »

Amélie a ensuite passé deux ans sans travailler, sans être retournée sur un tournage, effrayée à l’idée de sortir de chez elle. Si elle a mis si longtemps à en parler puis à porter plainte, en février 2024, c’est par sidération, explique-t-elle. A cette époque, elle est encore sous le choc. « J’ai peur, ce qui me marque encore, ce n’est pas son désir sexuel, c’est sa sauvagerie. Je voyais dans son regard, son plaisir de me faire peur, c’est resté dans le temps. Je suis devenue peureuse, je ne voulais plus sortir de la maison. Je ne voulais plus me retrouver dans cette situation d’être terrifiée, il m’a terrifiée et ça l’amusait ».

Notre dossier sur Gérard Depardieu

Finalement, en découvrant l’histoire de Charlotte Arnould, qui accuse Gérard Depardieu de viol, accusations pour lesquelles il est mis en examen, Amélie s’effondre. « Je la crois, je me suis retrouvée dans les bras de ce fauve. Me taire, c’est être complice et il est hors de question d’être complice de ça », souffle-t-elle.