Procès du chantage à la sextape : Quel rôle pour les associations ?
Au quatrième jour du procès dit du « chantage à la sextape », le tribunal correctionnel de Lyon s’est penché, ce vendredi, sur le pan financier de l’affaire concernant deux associations stéphanoises soupçonnées d’avoir servi à rémunérer Gilles Rossary-Lenglet. La demande de subvention a été remplie par le président de France-Lettonie lui-même, « dans sa cuisine », avec Gilles Rossary-Lenglet avant que ce dernier ne la dépose à la mairie en octobre 2014.
Au quatrième jour du procès dit du « chantage à la sextape », le tribunal correctionnel de Lyon a examiné, ce vendredi, l’aspect financier de l’affaire : le rôle de deux associations stéphanoises accusées d’avoir contribué à rémunérer Gilles Rossary-Lenglet, considéré comme un des acteurs du piège. Les deux organisations ont été traduites devant la justice pour « abus de confiance ».
La première association à être interrogée est France-Lettonie, présidée par Robert Giacomel, ancien consul honoraire à Saint-Étienne. À la barre, cet homme de 73 ans a décrit Gilles Rossary-Lenglet comme une personne « séduisante » et « pleine d’idées », qui l’a aidé dans ses projets culturels depuis 2013. « Il était là cinq jours par semaine, il organisait des expositions, des tables rondes, il démarchait des entreprises. C’est grâce à lui que nous avons eu des articles dans la presse », a-t-il affirmé, ajoutant qu’il souhaitait le « défrayer » d’abord par de « petites indemnités » puis grâce à une subvention municipale.
Robert Giacomel a expliqué qu’il a eu l’idée de la subvention en 2013, lorsque l’ambassade et la Lettonie « insistent sur le besoin de faire parler du pays » entre janvier 2014 et juillet 2015, notamment en lien avec la présidence lettonne de l’Union européenne en 2015 et Riga, capitale européenne de la culture en 2014. « Et pour en parler, il me fallait un communicant », a-t-il dit, pensant à Gilles Rossary-Lenglet avec qui il a commencé à travailler à la fin de 2013.
La demande de subvention a été remplie par le président de France-Lettonie avec Gilles Rossary-Lenglet avant que ce dernier ne la dépose à la mairie en octobre 2014. Cependant, selon les accusations, le document ne serait pas le même que celui présenté dans le dossier d’instruction, qui a été complété à l’ordinateur. À la barre, Robert Giacomel a nié avoir participé à une manœuvre frauduleuse, affirmant « ne pas être au courant des discussions avec le maire et la vidéo ».
Selon l’ex-consul, les fonds obtenus en décembre 2014 ont été demandés et utilisés « exclusivement pour rémunérer Gilles Rossary-Lenglet », sous forme d’honoraires. « Les 20.000 euros étaient destinés à Gilles Rossary-Lenglet, c’était évident », a-t-il insisté. Il a précisé avoir « organisé des rendez-vous, des événements même si tous n’ont pas eu lieu ».
La présidente du tribunal a rappelé que cinq factures, rédigées identiquement, ont permis à Gilles Rossary-Lenglet de toucher l’intégralité de la subvention en quelques mois, entre décembre 2014 et mai 2015. « C’était légitime pour moi », a rétorqué Robert Giacomel, qui a déclaré avoir rémunéré « du travail fait et du travail à venir ». Cependant, l’avocat d’Anticor, partie civile, a souligné que « l’on ne peut pas demander une subvention pour une action passée ». Pour sa défense, Giacomel a affirmé que la période de 18 mois « n’était pas finie ».
Confronté aux affirmations de l’instigateur du piège, Gilles Artigues, qui a déclaré n’avoir « rien fait » ou « pas à la hauteur » de la somme reçue, l’ancien consul a élevé la voix : « C’est un menteur. Il ment, il vous ment, c’est tout. » Il a exprimé son sentiment de « trahison » par une personne qu’il considérait comme un ami. « Juste avant l’article de Mediapart, c’était moi qui l’appelais pour prendre de ses nouvelles. S’il n’y avait pas eu cette affaire, il serait toujours mon ami. Mais il m’a pris pour un con. »
Philippe Buil, président de la seconde association impliquée, Agap (pour Artistes de la galerie Art pluriel), a également témoigné de son sentiment de trahison par Gilles Rossary-Lenglet après deux heures d’interrogatoire, tout en assurant de sa sincérité sur l’obtention et l’utilisation de la subvention.
Après deux années d’existence pour la SAS, Philippe Buil et sa compagne, Chantal Sabatier, ont décidé de développer leur projet artistique en créant une association pour soutenir les « jeunes artistes » de leurs ateliers. Ils auraient d’abord évoqué le projet avec Marc Chassaubéné, adjoint à la Culture, qui leur a expliqué les conditions d’attribution des subventions. Gilles Rossary-Lenglet est intervenu en tant qu’« expert » et les a assistés dans le processus, faisant lui-même la demande de subvention. Concernant les 20.000 euros, Buil a dit : « Je ne suis pas choqué, je pense que ça permet de faire la promotion des artistes ». Selon lui, Gilles Rossary-Lenglet a bien travaillé en « ouvrant [son] réseau » et en « réalisant des vernissages », témoignant d’une augmentation de « 40 à 400 personnes à nos vernissages ». Mais il a aussi avoué que Gilles Rossary-Lenglet avait reçu 16.000 euros en « 7 à 8 mois » via plusieurs factures.
L’avocat d’Anticor a fait état d’une confusion entre l’association Agap et la SAS, qualifiant cette dernière de « coquille vide » et posant la question de savoir si la subvention n’avait pas finalement été utilisée pour la SAS. Philippe Buil a réitéré que « tous les points avancés pour obtenir la subvention ont été réalisés ».
Le procès, déjà en retard sur le calendrier prévu, doit se poursuivre ce vendredi avec l’audition des parties civiles, dont Gilles Artigues.

