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Procès du chantage à la sextape : Gaël Perdriau affirme « Une menace, oui. Du chantage, non »

Gaël Perdriau a déclaré qu’il n’est « pas encore soulagé » au troisième jour du procès du « chantage à la sextape », durant lequel il est jugé pour chantage, association de malfaiteurs et détournement de fonds publics. À 18h58, il a conclu : « Oui, je suis innocent des faits qu’on me reproche. »

« Pas encore ». C’est à la mi-journée, au sortir de la salle d’audience du tribunal de Lyon, que Gaël Perdriau déclare, avec un léger sourire, qu’il n’est « pas encore soulagé » au troisième jour du procès relatif au « chantage à la sextape ». Et après près de dix heures de débats, il ne semble pas plus soulagé.

Le maire de Saint-Etienne est jugé depuis lundi, avec d’autres prévenus, pour des accusations de chantage, d’association de malfaiteurs et de détournement de fonds publics. À la barre, il n’a pas fléchi et a persisté à affirmer qu’il n’a « jamais » vu, ni utilisé comme moyen de pression, la vidéo intime de son ancien premier adjoint, Gilles Artigues, se posant même en victime.

Un enregistrement qui le met en cause

Dès la reprise de l’audience, à 9h45 mercredi matin, la présidente Brigitte Vernay lui rappelle les accusations, en soulignant que les enquêteurs considèrent certains propos enregistrés comme des preuves de menaces.

Diffusés durant son audition, ces extraits laissent entendre que Gaël Perdriau est conscient de l’existence d’un montage lorsqu’il fait référence à « un film complet ». Interrogé à ce sujet, il rétorque qu’il « bluffe » face aux menaces de Gilles Artigues d’aller voir le procureur et qu’il se basait sur ce que lui avait rapporté son directeur de cabinet.

« Une menace, oui. Du chantage, non. »

« Continue comme ça, Gilles », « joue à ça », « ne me fais pas chier », « je n’en ai rien à foutre des conséquences »… Le silence s’installe dans la salle. Les extraits sonores révèlent des échanges très crus, où il est aussi question de « diffuser la vidéo en petits cercles, avec parcimonie », rappelant qu’« une fois que c’est sur les réseaux, ce n’est plus du chantage, c’est une exécution ». Gaël Perdriau menace alors de « passer au napalm ».

Suite à la diffusion des enregistrements, la présidente souligne l’absence de réaction du maire lorsque son ancien directeur de cabinet, Pierre Gauttieri, tient des propos violents envers Gilles Artigues, ainsi que son attitude. « C’est vrai que mes propos sont ignobles. C’est vrai aussi que je n’interviens pas », admet l’élu, tout en nuançant : « Une menace, oui. Du chantage, non. Il n’y avait pas de contrepartie dans ce que je lui disais. »

« Je suis meurtri et écœuré »

Pour lui, ces échanges relèvent de « la colère », de « paroles qui dépassent sa pensée » face à son ancien adjoint, qu’il accuse de « magouilles dans son dos ». « Je suis surpris et choqué de ces propos, car je ne les avais plus en mémoire. Mais cela ne fait pas de moi l’auteur de la vidéo, ça ne fait pas de moi un coupable », plaide-t-il.

Comme la veille, l’ex-vice-président des Républicains répète qu’il n’a pas voulu « humilier » son ancien adjoint, qu’il présente à nouveau comme « un ami » tout en l’accusant encore d’avoir « piloté la conversation en l’enregistrant à son insu ». « Le plus difficile depuis trois ans, c’est qu’on fait de moi une personne que je ne suis pas. », dit-il. Il ajoute : « De voir que de ces 30 ans d’engagement et de ces 12 ans de mandat, on ne retienne que ces quelques minutes déplorables… Je suis meurtri et écœuré. »

Les subventions étaient « classiques » et « légales »

Le piège tendu à Gilles Artigues par Gilles R-L aurait donné lieu à des paiements à ce dernier via deux associations (France-Lettonie et Agap pour Artistes de la galerie Art pluriel). Chacune a obtenu une subvention de 20 000 euros. Des montants qui suscitent des interrogations. En moyenne, les subventions allouées s’élèvent à environ 1 700 euros, souligne la présidente du tribunal en questionnant l’aspect « dérogatoire » et « pressé » de ces attributions.

Cependant, pour Gaël Perdriau, il n’y a pas eu détournement de fonds publics, les subventions ayant été attribuées de manière « classique » et « légale », ce qu’il explique longuement à travers le fonctionnement du budget municipal.

D’après lui, Gilles Rossary-Lenglet « ment pour donner de la valeur à cette histoire qu’il a écrite ». Il va même plus loin, assurant que leur seule rencontre « en tête-à-tête », en mai 2022, était « faite pour le piéger ». « Il est allé voir Mediapart avant et il lui manquait la voix du maire. Il lui manquait une tête de gondole pour faire du buzz », insiste-t-il, révolté par « ces gens qui enregistrent tout le monde, tout le temps ».

Tensions avec les parties civiles et réponses à tout

En milieu d’après-midi, les échanges se sont tendus lors des questions avec les avocats des parties civiles, qui le confrontent à ses contradictions, notamment sur la date à laquelle il aurait appris l’existence de la vidéo. « Gilles Artigues n’a pas dit toute la vérité non plus », répond le maire. Il aura « réponse à tout » mais se montre « un peu tendu ».

Me André Buffard, l’avocat de Gilles Artigues, remet ensuite en cause l’« amitié » que proclame Gaël Perdriau envers son ancien premier adjoint, soulignant des scènes d’une « violence inouïe », qui ont par ailleurs été enregistrées. « Il faut remettre cette demi-heure en perspective sur la trentaine d’années de lien », rétorque-t-il.

« Une réponse sincère de quelqu’un qui est à bout »

Pourquoi ne pas avoir démissionné ? « Parce que c’est reconnaître qu’on est responsable, et je ne le suis pas », répond le maire de Saint-Etienne. Interrogé sur les préjudices des victimes, il avait déclaré en 2023 : « Je connais les miens ». « Cela peut paraître égoïste, mais j’ai également traversé des moments difficiles, des idées noires. C’est une réponse sincère de quelqu’un qui est à bout », dit-il.

Lorsque l’avocate de Gilles Rossary-Lenglet demande à Gaël Perdriau pourquoi il a proposé un poste à cet homme alors qu’il venait de lui dire qu’il avait volé une vidéo dans laquelle on voyait son premier adjoint avec un autre homme nu, il répond : « Je dissocie les deux sujets, j’ai eu de l’empathie pour sa situation personnelle. »

« Je suis innocent »

À 18h58, après dix heures d’interrogatoire, Gaël Perdriau conclut : « Oui, je suis innocent des faits qu’on me reproche. »

Pour Me André Buffard, Gaël Perdriau « répond comme un politique », « à côté » alors « qu’on lui demande de répondre sur des faits ». « Est-ce qu’on peut vraiment croire qu’on est en présence d’une sorte de complot, cela implique beaucoup de gens qui mentent », affirme-t-il lors d’une suspension de l’audience. Selon lui, il reste implacable parce qu’il « joue sa vie ». Mais Jean-Félix Luciani, pour la défense de l’élu, estime que « les manières dont les choses ont été présentées ne correspondent pas à la réalité ». « Je ne vois pas très bien ce qu’il peut dire ou faire de plus, sauf à ce qu’on pense métaphysiquement qu’il est coupable », insiste-t-il.

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De son côté, Gilles Rossary-Lenglet balaie les accusations du maire : « Si je mentais depuis le début, la justice n’aurait pas donné suite et nous ne serions pas là. Je ne demande pas qu’on me croie, mais de se baser sur les preuves qui sont toutes concordantes. »

Le procès, déjà en retard sur le planning prévu, doit se poursuivre ce jeudi avec l’audition des témoins puis des parties civiles, dont Gilles Artigues.