France

Procès des viols de Mazan : Pourquoi tous les accusés ne seront pas condamnés à la même peine ?

Le message s’affiche en toutes lettres aux quatre coins d’Avignon. Et ce, jusque devant le fronton du tribunal judiciaire. « Vingt ans pour chacun », peut-on lire sur les collages ou banderoles qui ornent depuis lundi matin la cité des papes. « Vingt ans », comme la peine maximale encourue par les « cinquante de Mazan », ces hommes invités par Dominique Pelicot à violer son épouse, droguée à son insu. Le procès est entré mercredi dans sa dernière phase : celle des plaidoiries de la défense. Pendant près de trois semaines, les avocats des accusés vont se succéder à la barre dans l’espoir d’obtenir la peine la plus favorable pour leurs clients.

Parmi les 51 hommes jugés depuis le 2 septembre – l’un d’entre eux est en fuite – 50 encourent jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle pour « viol aggravé ». Le dernier, jugé pour agression sexuelle aggravée, risque sept ans. Mais contrairement à ce que réclament les associations, tous ne seront pas condamnés à la même peine. Car en France, un principe prévaut : celui de l’individualisation des peines. Pour établir la peine, les magistrats tiennent évidemment compte des faits mais également de la personnalité de l’accusé, de son positionnement pendant le procès, ses antécédents, le suivi de son contrôle judiciaire ou son comportement en détention provisoire… Ce sont tous ces éléments qui, mis bout à bout, doivent aboutir à une peine personnalisée.

Un éventail de peines requises

Il suffit d’ailleurs de regarder les réquisitions pour constater cet éventail. Sans surprise, la peine maximale a été requise contre Dominique Pelicot : vingt ans. « C’est à la fois beaucoup et trop peu », a estimé l’un des avocats généraux. Le principal accusé est certes passé aux aveux mais compte tenu de la gravité des faits, difficile d’imaginer que la cour criminelle ne suive pas ces réquisitions. Quid des autres ? Le ministère public a requis des peines allant de dix à dix-huit ans pour les hommes accusés de viol ou de tentative de viol. Des réquisitions sensiblement plus sévères que la moyenne des condamnations pour viol en France : onze ans, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice.

Les avocats généraux ont tenu compte des spécificités de chaque dossier : ils ont réclamé des peines légèrement inférieures à l’encontre des hommes qui ont reconnu les faits ou ceux qui n’ont jamais été condamnés. Ils ont requis treize à quatorze ans contre ceux qui se rendus deux fois à Mazan, et seize à dix-huit ans de réclusion contre les quatre hommes venus à six reprises au domicile des Pelicot. De même, contre ceux qui étaient également jugés pour détention d’images pédocriminelles, ils ont réclamé en moyenne quatorze ans.

Des acquittements sont-ils possibles ?

Les cinq magistrats qui composent la cour criminelle suivront-ils ces réquisitions ? Rien ne les y oblige. Certains avocats de la défense n’ont pas caché leur intention de réclamer l’acquittement de leur client. Ils devraient notamment plaider l’altération du discernement et une forme d’emprise de Dominique Pelicot. La cour pourrait-elle décider de les suivre ? Théoriquement, c’est tout à fait possible, s’ils ont été sensibles à leurs arguments ou s’ils ne sont pas pleinement convaincus de leur culpabilité, puisque le doute profite toujours à l’accusé.

Notre dossier sur l’affaire des viols de Mazan

Toutefois, la spécificité de ce dossier repose sur les éléments matériels, toutes ces vidéos découvertes dans les ordinateurs de Dominique Pelicot. On y voit les accusés avoir des relations sexuelles avec la victime, inerte, incapable de consentir au moindre acte. Par ailleurs, la circonstance aggravante de « viol en réunion » retenue dans ce dossier signifie que si Dominique Pelicot a commis un viol devant un accusé, que ce dernier ait ou non violé à son tour, il est considéré comme co-auteur. En clair : c’est une circonstance qui englobe toute la scène.

Le verdict – qui s’annonce d’ores et déjà historique compte tenu du retentissement de cette affaire – est attendu le 20 décembre.