France

Procès des viols de Mazan : l’accusé ne se défend pas face à Gisèle Pelicot

Le procès en appel de Husamettin D. a débuté ce lundi après-midi à la cour d’appel de Nîmes, dix mois après le verdict de l’affaire des « viols de Mazan ». L’accusé, qui a été condamné en première instance à neuf ans de réclusion criminelle, comparaît libre en raison de problèmes de santé et doit faire face à Gisèle Pelicot, accueillie par une centaine de personnes lors de son arrivée.


A la cour d’appel de Nîmes, des applaudissements retentissent d’un côté, tandis qu’un accusé masque son visage derrière un large masque chirurgical et des lunettes noires de l’autre. Dix mois après le jugement marquant des « viols de Mazan », la honte semble avoir changé de camp. Ce lundi après-midi, à l’ouverture du procès en appel, Gisèle Pelicot, identifiable par son carré strict, est accueillie chaleureusement par une centaine de personnes alors qu’elle arrive au palais de justice de Nîmes, accompagnée de son fils cadet, Florian. Souriante, elle prend le temps de serrer plusieurs mains et d’échanger quelques mots.

Le contraste avec Husamettin D., le seul des « 50 de Mazan » à avoir poursuivi la procédure d’appel, est saisissant. Assis sur le banc des accusés, cet homme de 44 ans semble presque prostré sous la pression des photographes et des caméras. Ancien ouvrier en BTP, il a été condamné en première instance à neuf ans de réclusion criminelle, mais comparaît libre en raison de problèmes de santé sérieux. Souffrant de polyarthrite déformante, il se déplace difficilement, aidé par une canne. Le « mur » d’accusés qui se tenait l’an dernier face à Gisèle Pelicot, avec tous ces hommes entassés sur les bancs et dans les boxes de la cour criminelle d’Avignon, semble éloigné. Cette fois, ils se font face.

Cependant, bien que le décor ait changé, le discours de l’accusé reste identique à celui présenté en première instance. Husamettin D. nie les faits. Il confirme qu’il y a eu des « pénétrations », mais soutient qu’il n’avait pas « l’intention » d’abuser de la septuagénaire. « Je n’ai jamais voulu violer cette dame, j’ai toujours eu du respect pour elle », insiste-t-il, assis sur une chaise devant la barre. Il précise : « Je n’ai jamais su qu’elle était droguée, il ne m’a jamais dit ça. » « Il », Dominique Pelicot, est l’absent du premier jour d’audience. Il sera entendu mardi, mais comme témoin, car il n’a pas fait appel.

Husamettin D., qui s’adonne aux pratiques libertines, répète depuis son arrestation qu’il croyait participer à un plan à « trois » le soir du 28 juin 2019. Il confesse néanmoins s’être senti mal à l’aise dès le début. Gisèle Pelicot est inerte – l’idée qu’elle soit morte lui effleure même l’esprit – sur le lit, et Dominique Pelicot se serait montré très directif. « Les trios que je faisais, ça ne s’est jamais passé comme ça », a-t-il déclaré à la psychologue qui l’a examiné. L’accusé affirme avoir réalisé au bout « d’une demi-heure » que Gisèle Pelicot n’était pas en état de consentir. Comment expliquer que son téléphone borne dans le secteur de Mazan entre 21h27 et 3h46 du matin ? Lui rejette cette temporalité.

Assis sur une chaise, sa béquille entre les jambes, Husamettin D., impassible, écoute les experts parler de lui. Ses avocats posent les jalons de sa défense : celle d’un père de famille impliqué – il a arrêté de travailler pour s’occuper de son fils lourdement handicapé – piégé par un monstre de perversité, Dominique Pelicot. Dans cette chambre, ce soir-là, « il y avait une confrontation entre un fin manipulateur et quelqu’un qui ne l’était pas du tout », souligne Me Jean-Marc Darrigade, l’un de ses deux avocats. Le Dr Laurent Layet, qui les a tous deux expertisés, acquiesce. La dangerosité criminologique d’Husamettin D. est jugée « plutôt faible ».

Cependant, le psychiatre précise que « au moment de ses agissements, il avait un rapport normal avec la réalité. S’il a transgressé un interdit, il l’a fait en toute connaissance de cause ». Son discernement n’est ni aboli ni altéré. De plus, il note « un décalage significatif » entre ce que montrent ces vidéos et le récit de l’accusé. Leur visionnage, prévu mardi, permettra-t-il aux jurés, cinq hommes et quatre femmes, de se forger une « intime conviction » ?