France

Procès des viols de Mazan : « Je reconnais les faits matériels mais… » Des accusés finissent par avouer tièdement

A la cour criminelle du Vaucluse,

« J’ai toujours dit que je n’avais aucune intention de violer cette personne. Mais à ce jour, au vu de toute cette affaire, on ne peut pas nier les faits. » Il aura donc fallu attendre le quarantième jour du procès des viols de Mazan pour entendre un accusé reconsidérer ses farouches dénégations. Mercredi, Cendric V., qui s’est rendu à deux reprises chez les Pelicot – en juillet 2016 puis en janvier 2018 – a reconnu les viols. Ce jeudi, Ludovick B. a suivi le même chemin. « J’ai évolué. Je reconnais les faits matériels même si je n’en avais pas l’intention », a murmuré cet homme de 41 ans, sweat à capuche, crâne légèrement dégarni et courte barbe. A l’ouverture du procès, l’un comme l’autre avaient répondu « non » au président qui les interrogeait sur leur reconnaissance des faits. Comme trente-trois des cinquante accusés.

Ludovick B. est l’un des rares accusés à ne pas s’être rendu à Mazan. Lui, a « rencontré » les Pelicot en Ile-de-France, dans la maison de Caroline Darian, la fille du couple, absente ce soir de décembre 2019. « Si j’avais su que c’était pour commettre un viol, je n’y serais jamais allé. Y a pas un jour, une heure où je n’y pense pas », jure ce magasinier, devenu père quelques semaines avant cette soirée. S’il reconnaît désormais la matérialité des faits, il refuse d’en assumer pleinement la responsabilité. Ludovick B. considère toujours avoir été « piégé » par Dominique Pelicot qui lui a fait croire que lui et sa femme étaient un « couple libertin ». Cendric V. ne dit pas autre chose. « J’ai été trompé sur Coco par M. Pelicot sur le consentement de Madame », précisait-il, la veille.

« Après, je n’ai plus réfléchi »

Mais pourquoi l’un comme l’autre ne sont pas partis en voyant la victime inerte sur le lit, ronflant bruyamment ? Accusé après accusé, le président de la cour criminelle rappelle que la préméditation – c’est-à-dire l’intention de commettre un crime – est une chose, le passage à l’acte en est une autre. Cendric V., manager dans la restauration, aujourd’hui âgé de 42 ans, explique que les deux fois où il s’est rendu à Mazan, il n’a pas été « choqué » par l’absence de réaction de Gisèle Pelicot. Pour lui, cela faisait partie de leurs « fantasmes ». « Dans la discussion avec M. Pelicot, je suis sûr d’avoir affaire à un couple, après je n’ai plus réfléchi », répète-t-il.

Ludovick B., lui, dit être resté par « peur » de la réaction de son hôte. Pourquoi alors lui avoir envoyé, juste après son départ, un texto l’invitant à le recontacter s’ils repassent « dans le coin » ? Quid de ce message de bonne année, écrit quelques jours plus tard ? « Avoir peur de moi et m’envoyer des messages de sympathie », ironise Dominique Pelicot. Comme à son habitude, le septuagénaire, assis seul dans son box, les jambes croisées, légèrement en surplomb, ne rate pas une occasion d’enfoncer ses co-accusés. Mis face à ses contradictions, Ludovick B. balbutie, murmure qu’il n’y serait jamais retourné. « C’était pour me persuader que c’était une soirée libertine », explique-t-il. Il ajoute avoir vu dans la figure de Dominique Pelicot celle de l’homme qui l’a violé lorsqu’il était adolescent, ce qui explique qu’il n’avait « pas la lucidité de quelqu’un de normal ».

« Ce que vous faites, c’est un viol ? »

« Mais quand vous y êtes, ce que vous faites c’est un viol ? », insiste Me Stéphane Babonneau, l’un des avocats de Gisèle Pelicot. « Oui », murmure, des sanglots étranglés dans la voix, l’accusé. « Quand je suis parti de chez moi, je n’avais pas l’intention, mais je n’ai pas eu son consentement », poursuit-il, les mains accrochées au pupitre, la tête baissée. Se tournant vers Gisèle Pelicot, il cherche à lui présenter ses excuses. « C’est un peu tard », marmonne-t-elle, visiblement agacée, en détournant le regard.