France

Procès des viols de Mazan : Gisèle Pelicot, une bonne candidate pour le Nobel de la paix ?

Et si c’était elle ? Devenue une figure médiatique en quelques mois, propulsée dans le classement des femmes les plus influentes de 2024 par la BBC et le Financial Times, Gisèle Pelicot pourrait encore changer de dimension. Une pétition, lancée par une journaliste britannique fin décembre, recueille déjà plus de 35.000 signatures pour proposer la septuagénaire comme candidate au prix Nobel de la paix.

Son procès « a réveillé l’opinion publique internationale », souligne Ernestine Ronai, vice-présidente de la Fondation des femmes, « plutôt favorable » à l’initiative. Le procès des viols de Mazan a montré « à quel point la question de la lutte contre les violences sexuelles et l’impunité est universelle », argumente-t-elle. « C’est un procès hors norme par la prise de conscience à l’international » qu’il a suscitée, appuie l’avocate spécialiste en droit des femmes Khadija Azougach.

« L’espoir qu’on sorte de l’impunité »

En plein procès, « l’Unicef a établi que 370 millions de femmes dans le monde ont subi des VSS avant leurs 18 ans, soit une femme sur huit. C’est énorme », note Ernestine Ronai. L’ampleur du problème ne fait pas le moindre doute, la crédibilité de Gisèle Pelicot non plus. « Elle est un symbole, elle porte l’espoir qu’on sorte de l’impunité », insiste Ernestine Ronai.

Toutefois, « à trop l’exposer, on ne lui rend pas service », tempère Khadija Azougach. « Elle n’a pas encore eu le temps de respirer, il y a souvent une rechute après ce genre de procès », prévient l’avocate, pour qui Gisèle Pelicot n’a « pas eu le temps d’être la porte-voix » d’un combat plus grand qu’elle. Si la septuagénaire a clairement expliqué que son combat était au nom des autres femmes, ce procès restait au fond « son combat », pointe l’avocate.

Trop tôt pour être crédible ?

« Le procès n’a pas encore amené à un changement dans la loi, elle n’a pas encore eu d’action directe dans le combat contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) », ajoute-t-elle, rappelant que le prix Nobel doit récompenser « une contribution à la paix dans la société ». « Elle ne coche pas encore toutes les cases », estime Khadija Azougach. L’avocate souligne que d’autres personnalités pourraient incarner le même combat, comme la jeune femme qui s’était dénudée sur un campus en Iran.

Le calendrier ne plaide par ailleurs pas en la faveur de Gisèle Pelicot. Son procès s’étant tenu en pleine période des Nobel, son éventuelle candidature serait proposée pour l’automne 2025. Or, dans un monde où plusieurs conflits sont ouverts, l’actualité pourrait faire émerger d’autres candidats naturels. Mais Ernestine Ronai ne l’élimine pas dans ce contexte. « Les femmes souffrent aussi beaucoup des viols dans ces conflits. » Un Nobel de la paix consacrant la lutte contre les violences sexuelles serait aussi une manière de « dire que le corps des femmes n’est pas un champ de guerre ». Un combat qui peut être mieux incarné par d’autres personnes que Gisèle Pelicot.