Procès des geôliers de Daesh : « Le plus dur, c’est de décider de la vie ou de la mort », confie François Hollande
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A la cour d’assises spécialement composée,
Quand un ancien président foule le sol du tribunal judiciaire de Paris, accusé de corruption, un autre s’avance sur le parquet grinçant du palais de Justice de l’île de la Cité pour témoigner. Ce mercredi, François Hollande est appelé en qualité de témoin par l’avocat de Mehdi Nemmouche. Ce dernier est jugé par la cour d’assises spécialement composée, accusé d’avoir été un des geôliers de quatre journalistes français séquestrés et torturés par Daesh pendant dix mois, entre 2013 et 2014 en Syrie.
Ce n’est pas la première fois que l’ancien chef de l’Etat traverse une salle d’audience jugeant des faits de terrorisme. Déjà, lors du procès hors norme des attentats du 13-Novembre, il était venu à la barre pour parler de son rôle de président face à une telle menace. Maniant avec agilité l’art de petite phrase, répondant avec malice à ses interlocuteurs, tantôt les mains dans le dos, tantôt la main dans la poche de son costume gris foncé, François Hollande vient une nouvelle fois faire part de son expérience.
Le lourd costume de président
Après avoir martelé la doctrine de l’Etat de ne jamais payer de rançons contre la libération d’otages, l’élu socialiste revient sur les difficultés qu’impose le costume de président face à des menaces pour la sécurité nationale : « chaque candidat à l’élection présidentielle […] mesure bien qu’il va falloir décider de la vie et de la mort, c’est la situation la plus lourde qui puisse être imaginée ».
Elu en mai 2012, François Hollande est déjà à l’Elysée quand Nicolas Hénin, Didier François, Pierre Torres et Edouard Elias sont enlevés. A la barre, il ne cache pas sa complicité avec l’un d’eux, Didier François, vers lequel il se tourne à plusieurs reprises pendant son témoignage. Il parvient à faire naître quelques rires de ce côté de la salle. En face, peu de réactions depuis le box des accusés. Mehdi Nemmouche reste impassible, balaye la salle du regard, écoute sans paraître concerné. A la tête de la France durant des années noires, marquées par les pires attentats commis sur son sol, François Hollande sait reprendre son sérieux quand le contexte l’impose.
« C’est le président qui doit se poser la question »
« La décision la plus difficile à prendre pour un président de la République qui fait face à une épreuve liée au terrorisme, c’est d’abord d’envoyer les soldats dont on sait qu’ils peuvent perdre la vie », poursuit-il gravement. Il a été confronté à ce choix avant de prendre la décision, en janvier 2013, de lancer l’opération Serval au Sahel, afin d’entraver l’avancée des groupes terroristes au Mali.
« Décider que des hommes et des femmes puissent mourir pour aller chercher des otages, pour combattre les terroristes, pour prendre d’assaut le Bataclan », c’est un « ordre qui va avoir des conséquences sur la vie. C’est l’élément le plus lourd », insiste-t-il, rendant hommage « à ces services, ces agents, ces gendarmes qui obéissent ». « C’est le président qui doit se poser la question de savoir si c’est utile, nécessaire, opportun et efficace », conclut-il.
L’ancien locataire de l’Elysée repart au bout d’une heure, en prenant soin d’adresser un regard bienveillant à cet ami complice, qui lui rend son geste depuis le banc des parties civiles.