Procès des assistants du RN : L’ultime défense de Marine Le Pen face à une « demande d’élimination politique »
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Au tribunal correctionnel de Paris,
L’air de rien, Marine Le Pen répond aux journalistes agglutinés autour d’elle. La présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale évoque mécaniquement « la censure » qui menace Michel Barnier sur le budget 2025. « Je ne sais pas pourquoi il imagine que le RN serait tenté de ne pas le censurer… ». Elle hausse les épaules, visage fermé. Un exercice d’une profonde banalité, à ceci près qu’il se déroule à l’intérieur du tribunal correctionnel de Paris.
Il est un peu plus de 13 heures, ce mercredi, et même si rien ne semble l’indiquer, une partie de son destin va se jouer. Un peu plus loin, son avocat se prépare à entrer en piste pour l’ultime plaidoirie dans le procès des assistants parlementaires du Rassemblement national. Il ne s’agit pas moins, selon les mots de Marine Le Pen, que d’éviter « sa mort politique ».
« Des pratiques banales et anodines »
Me Rodolphe Bosselut ajuste sa robe et s’excuse d’avance auprès des juges. « Je vais être long, sans doute ennuyeux. J’aurais beaucoup de mots et je préfère en avertir votre juridiction ». L’avocat se tourne rapidement vers sa cliente : « Madame Marine Le Pen est venue à ce procès avec l’intention d’être la plus présente possible, en totale bonne foi. La presse a pu noter qu’elle était venue avec un optimiste débordant… elle est venue comme celles et ceux qui se savent innocents ».
L’accusation estime que le Front national a mis en place, entre 2004 et 2016, « un système » au « mépris » de « toutes les règles » pour rémunérer des assistants parlementaires « fictifs » avec l’argent du Parlement européen. Le préjudice est estimé à plus de 4 millions et demi d’euros. Me Rodolphe Bosselut balaie « des pratiques parlementaires banales et anodines […] utilisées par tous les partis d’opposition » à Strasbourg et demande la relaxe. Sur le banc des accusés, Marine Le Pen acquiesce d’un léger mouvement de tête. Mais l’ex-présidente du FN (devenu RN), également jugée en tant qu’ancienne eurodéputée, a perdu son sourire et « l’optimisme » tout juste évoqué.
« Arme de destruction massive du jeu démocratique »
Car les réquisitions du 13 novembre ont été lourdes pour Marine Le Pen et les 24 autres prévenus. Le parquet a réclamé contre la députée d’Hénin-Beaumont cinq ans de prison, dont deux ans ferme aménageables, et 300.000 euros d’amende. Mais c’est la demande d’inéligibilité avec exécution immédiate qui semble avoir surpris la cheffe de file du RN. Si elle était retenue par les juges, elle l’empêcherait de se présenter à la prochaine élection présidentielle, même en cas d’appel. « Je vais quitter la robe une seconde, souffle Rodolphe Bosselut. Cela ressemble à une arme de destruction massive du jeu démocratique ». Il évoque une « demande d’élimination politique » qui « jette un doute sur les intentions mêmes de l’institution judiciaire ».
Un passage qui souligne le changement de stratégie des derniers jours. Alors que Marine Le Pen se disait « très sereine » et évoquait sa « confiance dans la justice » fin septembre, la tonalité est toute autre depuis les réquisitions. Les responsables du parti ont tour à tour dénoncé « une atteinte à la démocratie » et un « acharnement » contre Marine Le Pen. Le parti à la flamme a également lancé une pétition en ligne pour fustiger « une tentative d’éliminer la voix de la véritable opposition ». Une accusation en « procès politique » loin, très loin de la communication de la cravate entreprise à l’Assemblée depuis 2022 pour tenter de dédiaboliser l’ancien parti de Jean-Marie Le Pen.
« Un procès fait par des politiques à des politiques »
Son avocat demande ce mercredi au tribunal de « laisser le peuple souverain décider » lors du scrutin présidentiel à venir. Il prend au passage pour témoin « l’émotion » suscitée par ces réquisitions en dehors même du RN, de Jean-Pierre Chevènement à Gérald Darmanin, et jusqu’à Jean-Luc Mélenchon.
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L’intéressée, elle, décide de ne pas prendre la parole en fin d’audience devant les juges. Mais devant les caméras, elle balaie une question sur cette stratégie du « procès politique ». « Je n’ai jamais dit ça, j’ai dit que c’était un procès fait par des politiques à des politiques, voire à la politique ». Avant de filer, elle ajoute : « me voilà totalement et à 100 % de retour dans le combat politique ». Au moins jusqu’au 31 mars, quand sera rendu le jugement du tribunal.