Procès des assistants du RN : L’inéligibilité de Marine Le Pen « n’arrivera pas »… Le grand déni au sein du parti

C’est un éléphant gigantesque qui trône au milieu de la pièce. Mais personne, au sein du Rassemblement national, ne fait mine d’y songer. Marine Le Pen sera fixée sur son sort ce lundi 31 mars dans le dossier des assistants parlementaires d’eurodéputés RN. Après deux mois de procès fin novembre, l’accusation a requis cinq années de prison, dont deux ans ferme, et 300.000 euros d’amende. Surtout, l’ex-patronne du mouvement pourrait être condamnée à une peine de cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire si le tribunal correctionnel de Paris suivait les réquisitions. Autrement dit : Marine Le Pen ne pourrait pas être candidate à la présidentielle de 2027, dans l’attente d’un procès en appel. « C’est ma mort politique qui est réclamée », avait dénoncé la triple candidate à l’échéance suprême.
« Ce n’est pas tabou, mais… »
L’élection présidentielle pourrait donc perdre l’une de ses favorites avant même le début de la campagne. Un bouleversement pour la classe politique française – pour la première fois depuis 1981*, il n’y aurait pas de « Le Pen » sur la ligne de départ – et un séisme politique pour le premier parti d’opposition. Mais étrangement, en interne, on refuse d’imaginer un tel scénario. « La question de l’inéligibilité ne se pose pas. Ce n’est pas un tabou, mais à partir du moment où on a dit qu’une telle injustice ne pouvait pas arriver, ça n’arrivera pas », tente de se convaincre le député RN du Pas-de-Calais Marc de Fleurian.
« On évite de se projeter dans cette hypothèse », confirme Gaëtan Dussausaye, son collègue des Vosges. « Moi, j’ai mon réflexe de protection individuelle. Quand il y a un problème qui peut me donner des insomnies, j’évite d’y penser. Un psy vous dirait peut-être que c’est une très mauvaise idée… » Une méthode Coué fixée directement par la cheffe de file du groupe RN à l’Assemblée nationale. « Je n’y pense pas du tout », ose Marine Le Pen ce mardi dans le Figaro en évoquant l’issue du procès. « Vous savez, la peur n’écarte pas le danger. Je ne vois pas l’intérêt de supputer à l’avance », dit-elle.
Ce serait « une catastrophe pour la démocratie »
Un ton serein qui tranche avec son attitude lors de l’annonce des réquisitions. Le visage marqué, K.O. debout, Marine Le Pen n’avait visiblement pas imaginé la possibilité d’être privée d’une nouvelle campagne présidentielle. Le parti, uni derrière sa championne, dénonçait alors un « procès politique » contre la députée d’Hénin-Beaumont et ses co-accusés. Une pétition de soutien, toujours en ligne, avait même été lancée par le RN.
Mais aujourd’hui – du moins officiellement –, le parti n’envisage pas de réplique politique en cas d’inéligibilité prononcée. « On n’a rien prévu parce que si Marine Le Pen, avec ses 13 millions de voix, est touchée par une exécution provisoire, c’est une catastrophe pour la démocratie française », balaie un de ses proches conseillers. « Cela voudrait dire que les juges s’immiscent dans la politique, qu’ils décident des élections. C’est contraire à la séparation des pouvoirs », ajoute-t-il.
Pas de plan B à part Bardella
Les peines d’inéligibilité avec exécution provisoire lors de procès pour détournements de fonds publics ne sont pourtant pas si rares. Mais elles n’ont jamais eu l’impact politique que provoquerait une condamnation de Marine Le Pen. « C’est une personnalité politique extraordinaire, la justice ne peut pas décider qui est candidat ou non. Je pense qu’on se battra si ça arrive. Moi si c’est ça, j’irai manifester, c’est évident », assure Alexandre Sabatou, député de l’Oise. Le mouvement pourrait-il appeler à des manifestations, une pratique loin d’être dans son ADN ? « On ne se laissera pas faire, car depuis le début, on clame notre innocence. Il y aura une réaction car la colère serait immense. Et pas seulement chez nos électeurs », évacue Gaëtan Dussausaye. Certains vont jusqu’à évoquer une improbable grâce présidentielle que pourrait accorder Emmanuel Macron en cas de condamnation, preuve de la fébrilité en interne.
Et s’il est encore trop tôt pour l’avouer ouvertement, personne n’imagine un autre plan B que Jordan Bardella pour la présidentielle de 2027 si elle venait à être empêchée. « Marine Le Pen l’a dit à plusieurs reprises : si elle passait sous un camion, elle sait qu’il serai là pour reprendre la main », souffle un député. Si le tribunal correctionnel de Paris condamne la responsable à une peine d’inégibilité lundi, la passation de pouvoir interviendra plus vite que prévue.
* Jean-Marie Le Pen a été candidat à la présidentielle en 1974, 1988, 1995, 2002 et 2007 (en 1981, il n’avait pas obtenu les 500 parrainages nécessaires). Marine Le Pen s’est présentée en 2012, 2017 et 2024.