Procès de l’attentat de Nice : L’impossible « pardon » des victimes

La douleur « quasi indélébile » des victimes, de ceux et elles qui ont perdu un proche ce soir-là sur la promenade des Anglais représente un « obstacle » qui les empêche d’accorder leur « pardon » aux accusés, ont souligné les avocats des parties civiles, mardi au procès de l’attentat de Nice.
Chez beaucoup de personnes présentes le 14 juillet 2016 ou qui ont eu à surmonter un deuil ensuite, le temps qui passe « accentue l’horreur » au lieu de jouer son rôle « cicatrisant », a constaté l’avocate Claudette Eleini.
Le pardon suppose que quelqu’un « reconnaisse sa faute »
Face à ce « passé qui ne passe pas », « seul le pardon permet » de renouer avec « le sens de la vie », sans « se confondre avec l’oubli et l’excusable », estime-t-elle. Mais ce pardon nécessite un « rapport […] entre celui qui demande le pardon et celui qui le donne », il suppose que le premier « reconnaisse sa faute ».
Sauf que, dans le cas des « faits abominables de l’attentat de Nice », l’auteur, qui a fait 86 morts et plus de 400 blessés au volant d’un camion-bélier, « n’est pas là pour le demander », ayant été abattu par la police, a-t-elle également rappelé.
En son absence, huit personnes sont jugées depuis le 5 septembre : trois pour association de malfaiteurs terroriste et cinq pour trafic d’armes (dont l’une en son absence). Aucune n’est poursuivie pour complicité de l’attentat.
Une attitude de « déni »
Chez ces accusés, « nous n’avons perçu aucune once de sentiment de responsabilité, aucun soupçon de retour sur soi », hormis quelques « mots préparés » à l’avance, regrette Me Claudette Eleini. « Aucun ne se sent coupable », ajoute-t-elle, déplorant une « inversion des rôles » alors que des victimes ont fait part de leur sentiment de culpabilité pour n’avoir pas prêté assistance aux blessés ou ne pas être décédé à la place d’un autre membre de leur famille.
Par cette attitude de « déni », « ils s’interdisent le pardon à eux-mêmes, mais aussi de recevoir celui des victimes », abonde Me Olivia Chalus. « Ce procès aura permis de faire la lumière sur comment ce crime a été commis, mais il laissera en suspens la question du pourquoi », laissant les victimes « seules face à leurs questionnements », déplore encore Me Claudette Eleini.
Si « ce n’est évidemment pas les moments d’amnésie collective des accusés qui permettront aux victimes » de se reconstruire, elles s’appuient sur « l’espoir de justice pour atteindre la résilience », espère aussi Me Nisrine Bounssir. « Peut-être que ce procès permettra » à certaines victimes « de renouer un lien avec les autres, de redécouvrir ce que veut dire être vivant et de s’octroyer le droit d’aimer et d’être aimé », souhaite Me Olivia Chalus. Le réquisitoire est prévu mardi prochain.