Procès de Cédric Jubillar : Trois jurés doutent, acquittent l’accusé.
Cédric Jubillar, âgé de 38 ans, est soupçonné du meurtre de sa femme Delphine, mère de leurs deux enfants, et une peine de 30 ans a été requise à son encontre. Le corps de la victime n’a jamais été retrouvé et la seule trace de sang dans la maison est invisible à l’œil nu et non exploitable.
Il existe peut-être une seule certitude à l’issue de ces quatre semaines où la cour d’assises du Tarn a jugé Cédric Jubillar : un second procès aura lieu, quelle que soit la décision des trois magistrats et des six jurés. Si l’artisan peintre, accusé du meurtre de sa femme Delphine, mère de leurs deux enfants, est reconnu coupable, il fera appel. Et s’il est acquitté, ce sera le procureur qui interviendra. Une peine de 30 ans de réclusion a été requise à son encontre. « Je n’ai aucun doute sur le fait que c’est Cédric Jubillar qui l’a tuée », a affirmé mercredi l’un des deux avocats généraux.
Aucun scénario définitif ne se dessine, car cette affaire ne repose sur ni aveux ni preuves matérielles irréfutables. L’accusé de 38 ans a constamment nié toute implication depuis la disparition de sa femme dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, et cela même lors des débats. « Je n’ai jamais fait de mal à Delphine », « je ne lui ai rien fait », « je suis le coupable idéal, j’ai été condamné avant même le procès », a-t-il répété tout au long des audiences. L’accusation, cependant, n’est pas vide. D’abord, il y a le contexte : cette éventualité de divorce qu’il rejetait et ses soupçons sur l’amant de sa femme. Ensuite, viennent ses contradictions et ses explications floues. La dispute observée ce soir-là par leur fils (« il s’est trompé »), une lésion constatée sur son bras le lendemain (« une cicatrice »), ainsi que l’argent utilisé sur le compte de sa femme après sa disparition… Enfin, la voiture de Delphine, garée en montée comme chaque jour le 15, mais dans l’autre sens le lendemain. Plusieurs proches, y compris sa mère, ont exprimé des doutes concernant ses dénégations.
Cependant, le corps de Delphine n’a jamais été retrouvé. La scène de crime reste non identifiée, et la seule trace de sang découverte dans la maison est si infime – invisible à l’œil nu – qu’elle n’est pas exploitable. Dans une plaidoirie émotive, Me Emmanuelle Franck, l’une des avocates de Cédric Jubillar, a dénoncé un « désastre judiciaire », un « cauchemar » pour son client. « On fabule, on raconte une histoire, on essaie de faire rentrer des ronds dans des carrés », a-t-elle accusé. « C’est bien beau de parler d’indices mais encore faut-il qu’ils s’imbriquent entre eux. »
Les avocats de Cédric Jubillar ont réussi à démontrer certaines lacunes dans l’enquête. Ils ont notamment reproché aux enquêteurs d’avoir falsifié la procédure concernant la présence de l’amant de Delphine près de chez elle le soir de sa disparition. « Une erreur dans les copier-coller », a plaidé l’un des avocats. Mais ont-ils réussi à lever le doute chez les jurés, ou du moins chez certains d’entre eux ?
En 2021, Eric Dupond-Moretti, l’avocat aux 140 acquittements devenu ministre de la Justice, a révisé la procédure : auparavant, il fallait six voix sur neuf pour déclarer un accusé coupable, désormais, sept suffisent. Autrement dit, si au moins trois membres du jury de la cour d’assises du Tarn ont des doutes « raisonnables », Cédric Jubillar sera acquitté. C’est en effet un principe fondamental de notre système judiciaire : le doute profite toujours à l’accusé.
En cas de condamnation, les jurés devront de nouveau se mettre d’accord. Pour lui infliger la peine maximale – la réclusion criminelle à perpétuité – il faut que, comme pour la culpabilité, sept jurés sur neuf s’accordent. En-deçà, une simple majorité sera suffisante. Cependant, dans ce dossier, il est difficile d’envisager une peine intermédiaire : si Cédric Jubillar est reconnu coupable du meurtre de sa femme, il encoure une peine très lourde. À l’inverse, si le doute persiste, il sera tout simplement acquitté… jusqu’au prochain procès. En appel, ce ne sera plus trois mais quatre jurés sur douze que ses avocats devront convaincre pour obtenir son acquittement.

