France

Procès de Cédric Jubillar : l’amant sur les lieux du crime ?

Donat-Jean M., âgé de 39 ans à l’époque, a eu une liaison avec Delphine Jubillar, qui a duré de fin juillet 2020 au 15 décembre, jour de sa disparition. Lors de l’audience, Donat-Jean M. a déclaré : « Aujourd’hui, j’ai la conviction que c’est Cédric Jubillar qui l’a fait ! ».

À la cour d’assises du Tarn,

Lorsque Donat-Jean M., surnommé le « amant de Montauban », entre dans la salle d’audience de la cour d’assises du Tarn, Cédric Jubillar sourit à sa famille et se frotte les mains. Il est conscient que son « rival », avec qui Delphine avait choisi de reconstruire sa vie au moment de sa disparition, va devoir faire face à des interrogatoires difficiles devant les jurés. Ses avocats n’ont jamais caché leur point de vue : ils estiment que l’enquête menée par les gendarmes s’est trop concentrée sur le mari, négligeant d’autres pistes, notamment celle de l’amant.

« Goûter au fruit défendu »

Donat-Jean M., âgé de 39 ans à ce moment-là, a entretenu une relation passionnée — « et pas seulement charnelle », précise-t-il — avec l’infirmière disparue. Cette liaison, « une véritable histoire d’amour », a débuté sur un site de rencontres extraconjugales. Elle a duré de fin juillet 2020 jusqu’au 15 décembre, jour où Delphine a disparu. Quatre mois et demi, avec environ quinze rencontres en personne, « des conversations ininterrompues » durant parfois quatre heures, et « des snaps ». Des photos également ont été échangées, la dernière étant celle en combishort envoyée par Delphine à 22h55 le 15 décembre.

Au départ, Donat-Jean M., commercial chez Leroy Merlin, se montre nerveux. Puis, sa voix, bien que quelque peu hésitante avec les bras croisés sur la poitrine, se renforce. Théoriquement, « l’amant » n’a rien à redouter, hormis sa réputation et l’effet mitigé qu’il produit. Il admet que son inscription sur plusieurs sites de rencontres était motivée par une volonté de « goûter au fruit défendu », alors que son couple « s’essoufflait totalement ». Cathy, sa compagne de l’époque, qui a découvert l’infidélité le week-end avant la disparition de Delphine, l’a décrit à la barre comme un « pervers narcissique ». « Sur certains points, elle n’était pas au rendez-vous », témoigne la compagne, admettant avoir eu des exigences concernant l’apparence de son ex-conjoint.

Cédric, « pas sortable »

Mais sur le fond, l’amant ne semble pas lié à l’affaire : ses systèmes de domotique garantissent qu’il n’a pas quitté son domicile durant la nuit fatidique, et Cathy assure qu’ils ont dormi ensemble. De plus, quel mobile aurait-il eu alors qu’il était en pleine romance ? Il apparaît plutôt que l’accusé fait l’objet de critiques. « Delphine parlait peu de lui », préférant mettre en avant « son travail » et « ses enfants », « ses fiertés ». Elle a avoué à son amant éprouver un certain « gêne » à sortir avec Cédric, « parce qu’il n’était pas sortable ».

Elle a même montré à Donat-Jean, en photo, deux lettres écrites par Cédric pour tenter de la dissuader de partir. « Il s’est mis plus bas que terre », commente l’amant. Avant d’ajouter : « Aujourd’hui, j’ai la conviction que c’est Cédric Jubillar qui l’a fait ! ». L’accusé réagit par des impatiences, semblant agité. Parfois, il bâille, attendant l’intervention de ses avocats.

« Êtes-vous déjà allé à Cagnac-les-Mines ? »

Et cette intervention arrive. « Delphine Jubillar portait-elle des lunettes ? », demande Me Emmanuelle Franck ; « Oui, quand elle était fatiguée », répond l’amant. Peu après la disparition, il avait répondu non aux gendarmes. La défense évoque alors des connexions détectées sur un site fétichiste du darkweb, ainsi que des messages à caractère intime avec une coiffeuse, peu après la disparition de Delphine. Donat-Jean M. se présente d’abord comme un simple « confidant » de Delphine lors de l’appel des enquêteurs le 16 décembre au matin.

« Ils vous aimaient, les gendarmes, hein », souligne l’avocate, se basant sur des écoutes téléphoniques. « J’ai fait en sorte de les aider du mieux que je pouvais. Effectivement, [au fil du temps], les conversations devenaient plus amicales ». La défense continue son travail par étapes. Puis, Alexandre Martin pose ce que beaucoup pensent être la question ultime : « Êtes-vous déjà allé à Cagnac-les-Mines ? ». « Je n’ai jamais été à Cagnac-les-Mines », répond rapidement le témoin.

« Cellule téléphonique » activée

Ce n’était pas une question purement rhétorique, mais une première salve d’interrogations. Emmanuelle Franck explique solennellement qu’au sein des 4.737 téléphones ayant activé un relais couvrant le domicile des Jubillar durant les 24 heures critiques, les gendarmes en ont retenu 551 dans la plage horaire allant de 22 heures le 15 décembre à 6 heures le lendemain. Après avoir écarté les habitants de la zone, ils ont requis une analyse pour 216 lignes… dont celle de Donat-Jean M. Toutefois, les avocats de la défense soulignent que cette ligne n’a pas donné de résultats. Mais alors, pourquoi les relevés de l’amant, demandés dès le 16 au matin, ne le localisent-ils pas à Cagnac ?

Selon Emmanuelle Franck, c’est dû au fait qu’avec l’opérateur de l’amant, une première requête ouvre « une session Internet » pour la journée, rendant impossible la géolocalisation des autres requêtes. La défense est convaincue : « c’est dans le dossier, il suffisait de le voir » : « Le téléphone de l’amant a activé une cellule couvrant le domicile des Jubillar » la nuit de la disparition. Coup de théâtre ? Alexandre Martin accuse les gendarmes de « falsification de l’enquête », insinuant qu’ils ont souhaité dissimuler certains éléments.

Le gendarme chargé de la téléphonie réentendu ?

Pourquoi cela n’a-t-il pas été discuté avec les experts en téléphonie qui ont été entendus ? s’indignent les avocats des parties civiles, très sceptiques face à cette théorie. « Pour préserver l’oralité des débats », répond Alexandre Martin. Plutôt pour engendrer le « chaos », critique Laurent Boguet, l’un des avocats des enfants Jubillar, Louis et Elyah. Selon lui, l’activation de la cellule par le téléphone de Donat-Jean M. pourrait s’expliquer par une conversation téléphonique qu’il a eue avec Delphine cet après-midi-là, alors qu’il était connecté en wifi chez lui. Il est difficile de se faire une idée sans l’avis d’un expert.

Philippe Pressecq, l’avocat d’une cousine de Delphine, a formulé une demande d’expertise sur le listing révélé par les avocats de l’accusé. Ces derniers, ainsi que les avocats généraux, souhaitent également réentendre à la barre le gendarme responsable de la téléphonie. La cour a mis ses décisions en délibéré. En attendant, il est clair pourquoi Cédric Jubillar s’est frotté les mains ce lundi, lorsqu’il a vu, pour la première fois de sa vie, l’amant de sa femme.